Aloys ZÖTL (Freistadt, Autriche, 1803 - Eferding, Autriche, 1887)

Le Bénitier ou tridacne géant

41,5 x 47,7 cm

Aquarelle sur trait de pierre noire. Annoté par l’artiste en bas : « Würmer Taf. 45 », « Die Riesenmuschel. Chama gigas. ». Signé et daté en bas à droite : Aloys Zötl. fecit. am 22. Decem. 1872.

Provenance
• Vente de 170 aquarelles provenant de l’atelier Aloys Zötl. Deuxième et dernière vente (préface par André Breton), Hôtel Drouot, 3 mai 1956, lot 4 (comme « La Telline Géante »), adjugé 3 800 fr.
• France, collection particulière.

Aloys Zötl naquit le 12 avril 1803 à Freistadt, en Autriche, dans un milieu artisan relativement aisé. Son père, Franz-Xavier Zötl, maître teinturier, encouragea l’intérêt de ses fils pour le dessin, sans pour autant chercher à leur offrir une vraie formation. Il réunit, pour eux, deux albums de gravures principalement animalières. C’est donc en autodidacte qu’Aloys aborda ses premiers croquis et aquarelles, signés « Louis Zotl » et ayant pour sujet des animaux réels ou fantastiques dessinés avec une fascination de naturaliste amateur privé d’observation directe.

Après son mariage, Aloys Zötl s’établit teinturier sur cuir à quarante kilomètres de Freistadt en amont du Linz, à Eferding, qu’il ne quitta plus. Dès lors, il semble avoir consacré tout son temps libre à étudier le monde vivant pour composer une sorte de Bestiaire magnifique, soit 320 grandes aquarelles consacrées chacune à une espèce ou une famille. Son entreprise dura de 1831 jusqu’à deux semaines avant sa mort en 1887, à raison de quelques dessins par an, soigneusement titrés en allemand et en latin, signés, datés du jour où l’œuvre était achevée, annotés, classés en groupes (« Insectes », « Mammifères », « Amphibiens »…), puis numérotés.
L’artiste n’ambitionnait de toute évidence aucun dessein glorieux pour l’œuvre de sa vie et il fallut attendre la dispersion par les héritiers de plusieurs dizaines de feuilles lors de deux ventes à Drouot, en 1955 et 1956, pour que les spécialistes et les amateurs découvrent, ébahis, « le plus somptueux des bestiaires », pour reprendre l’expression d’André Breton, son plus fervent admirateur.

Sans pouvoir observer les animaux qu’il souhaitait dépeindre, Zötl puisait son inspiration dans les ouvrages illustrés de sa riche bibliothèque dont ceux de Buffon, de Johann Christian Daniel von Schreber, de Jean-Baptiste Audebert ou de Linné, ce dernier lui fournissant également les noms latins. Il comptait aussi sur les descriptions des cabinets de curiosités visités par son frère Joseph qui vécut en Angleterre, puis en Allemagne. Joseph lui fit également cadeau de l’une des premières boîtes de peinture à l’eau en tablettes de la société Ackermann.
Chaque aquarelle de Zötl est ainsi le fruit d’une recherche patiente et documentée, complétée par l’imagination fertile du peintre quant aux couleurs, postures, proportions et jusqu’aux détails d’anatomie sur lesquels il manquait d’informations. Encyclopédiste, Zötl s’évertuait à trouver, pour tout être vivant, la présentation la plus complète et flatteuse possible. Aux mammifères, amphibiens et reptiles, il inventait par ailleurs des environnements paysagés, tandis que les oiseaux, les insectes et les habitants des fonds marins apparaissaient, souvent groupés, sur le fond neutre du papier vierge avec une vraie rigueur naturaliste.

Dans les feuilles de ce peintre autodidacte, chaque détail est soigné, chaque trait de pinceau préparé par une fine ligne à la pierre noire, chaque couleur apposée avec la minutie d’un sertisseur. Notre Chama gigas – nom proposé par Linné, mais confus et remplacé depuis Lamarck par celui de Tridacna – est d’autant plus étonnant que l’aquarelle semble inachevée malgré les annotations appliquées et la date et que, contrairement aux habitudes de l’artiste, une petite ombre portée donne l’impression que le bénitier est posé sur le papier. Pour mieux figurer sa taille imposante, Zötl lui fait occuper tout l’espace, en montrant à la fois l’extérieur et l’intérieur du coquillage. L’artiste pourrait s’être inspiré des illustrations du célèbre traité conchyliologiste de Chemnitz qui utilisa, en 1784, le même procédé pour représenter un Chama. Mais, comme toujours chez Zötl, il y a ici quelque chose d’abstrait et d’étrange, ne serait ce que dans le vide de la coquille, alors même que la planche fait partie des Würmer (Vers).

Bibliographie
André BRETON, Le Surréalisme et la Peinture, Gallimard, 1965, p. 354-355.
Julio CORTAZAR et Giovanni MARIOTTI, Le Bestiaire d’Aloys Zötl (1803-1887), éd. Franco Maria Ricci, 1976.
Vincent BOUNOURE, Le Bestiaire d’Aloys Zötl, coll. « L’Événement surréaliste », Paris, 2004.
Frantz REITINGER, Aloys Zötl oder Die Animalisierung der Kunst, Vienne, Christian Brandstätter Verlag, 2004.
Victor FRANCES, Contrées d’Aloys Zötl, Paris, Langlaude, 2011.

Charger plus