Henri-Frédéric SCHOPIN (Lübeck, 1804 - Montigny-sur-Loing, 1880)

Vision du Cardinal de Richelieu à son lit de mort

58 x 97 cm

Huile sur toile. Signé et daté H. Schopin 1871 en bas à gauche sur la base de la balustrade.

Provenance
• Collection personnelle de l’artiste.
• Sa vente après décès, Paris, Drouot, 2 février 1881, Charles Pillet, expert Georges Petit, lot 30 (acheté 500 francs).
• France, collection particulière.

Expositions
Paris, Salon de 1872 (hors concours), no 1398.
Vienne, 1873, Exposition universelle, France : Œuvres d’art et manufactures nationales, p. 142, no 582.

« En se redressant, dans un dernier accès d’épouvante, il fait tomber le meuble sur lequel était placé son portefeuille, que Mazarin s’empresse de ramasser. » Telle est la brève description qui accompagne la Vision du Cardinal de Richelieu à son lit de mort, tableau présenté par Henri-Frédéric Schopin au Salon de 1872, en pendant des Derniers instants de Duguesclin.

Henri-Frédéric Schopin est né en Allemagne, à Lübeck. Ses parents sont français, et c’est à Paris qu’il apprit la peinture dans l’atelier de Gros, avant de concourir pour le Prix de Rome qu’il remporta en 1831, avec Achille poursuivi par le Xanthe. Ses années romaines à la Villa Médicis se déroulèrent sous la tutelle d’Horace Vernet, dont la manière l’influença fortement. Peintre de genre, gravé par Jazet, Schopin s’illustra avec des tableaux historiques comme Charlemagne et Hildegarde (Salon de 1839, huile sur toile, vente Christie’s, Paris, 2 juillet 2008, n° 206) ou Le divorce de l’Impératrice Joséphine (huile sur toile, 1846, 55,8 x 80,5 cm, Wallace Collection).

« M. Schopin fut une gloire. Aujourd’hui ses tableaux nous semblent aussi vieillots que le pourrait paraître une tragédie nouvelle de Casimir Delavigne. Et pourtant, il y a du talent de composition dans ces scènes historiques. Mais quelle couleur ! quels tons ! quelle mise en scène théâtrale ! Saluons une gloire d’hier, qu’aujourd’hui on ne sait plus comprendre ». Ainsi Jules Claretie commenta-t-il les deux tableaux exposés par le peintre au Salon de 1872, exprimant l’évolution du goût français. A l’aube de l’impressionnisme, la mode n’est plus au style troubadour ; Schopin, alors âgé de 68 ans, est un peintre d’une autre époque, qui s’il n’est plus au goût du jour, n’en paraît pas moins talentueux.

Dans une composition magistrale, le peintre a mis ici en scène la fin d’Armand Jean du Plessis, cardinal de Richelieu. D’un pinceau agile et précis, il soigne les détails, le raffinement d’une dentelle ou la délicatesse d’un brocart, sans jamais nuire à l’équilibre de l’ensemble. Les couleurs servent l’effet dramatique. L’harmonie blanche du cardinal au visage émacié, dans ses draps immaculés, n’est rompue que par le rouge de la calotte. Au-delà, costumes et décor sont parés de couleurs chaudes : vert et rouge profonds des velours, or vieilli des boiseries, bleu intense du costume royal contrastant avec le noir d’une robe de deuil.

Nous sommes le 4 décembre 1642. Miné par les tensions et les tourments de la vie de Cour, nerveusement épuisé, le Premier Ministre de Louis XIII s’éteint à l’âge de 57 ans. Schopin dépeint le cardinal surgissant de son lit à baldaquin, saisi par la vision dantesque de têtes de mort s’échappant d’un bûcher. L’homme est-il en train de s’exclamer la phrase célèbre qu’on lui prête sur son lit de mort : « Je n’ai jamais eu d’autres ennemis que ceux de l’Etat ». ? A l’examen des sources, les derniers instants de Richelieu furent en réalité apaisés. François de Clermont, marquis de Montglat, décrit ainsi dans ses mémoires : « Son mal augmentant à Paris, il reçut tous les sacrements, et témoigna une résignation chretienne à toutes les volontés de Dieu. Il fut assisté du curé de Saint-Eustache, qui lui fit les avertissements necessaires pour son salut, qu’il reçut fort humblement, sans néanmoins montrer aucune crainte ; et il conserva jusqu’au dernier soupir cette grandeur de courage et cette âme haute qu’il avoit eue toutes sa vie. »

Au pied du lit, se tient Louis XIII, dont Richelieu fut durant dix-huit ans le fidèle conseiller. De l’autre côté, Mazarin, au service du ministre depuis 1639, s’apprête à prendre sa suite auprès du souverain. Le roi, qui ne survécut guère à Richelieu, en fit le parrain de son fils Louis XIV.
« La chambre [de Richelieu] étoit pleine d’évêques, d’abbés, de seigneurs et de gentilshommes », écrivait le jésuite G. Daniel en 1713 dans son Histoire de France. Le peintre a préféré laisser la place aux femmes, groupées debout derrière le roi. On reconnaît en tête la nièce de son Éminence, la duchesse d’Aiguillon, qui héritera d’une partie de ses biens.

A l’arrière-plan, l’homme dressé dans l’entrebâillement de la porte est peut-être monsieur de Tréville, le capitaine des mousquetaires dont Richelieu a exigé le renvoi quelques jours auparavant, le 26 novembre. Quant aux soldats armés, en écho au globe terrestre qui occupe le bureau du ministre, on y verra le reflet de la politique extérieure énergique et brillante menée par Richelieu, assurant ainsi la souveraineté de la France à l’échelle de l’Europe, malgré de lourdes conséquences sur l’équilibre interne du royaume.

Bibliographie relative à l’œuvre
Explication des ouvrages de peinture, sculpture, architecture, gravure, et lithographie, des artistes vivants exposés au palais des Champs-Élysées le 1er mai 1872, Paris, 1871, p. 212, no 1398.
Jules CLARETIE, Peintres et sculpteurs contemporains, Paris, Charpentier, 1874, p. 334.

Bibliographie
Mémoires de Montglat, dans A. Petitot (dir.), Collection des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, t. XLIX, Paris, 1825-1826.
Père Gabriel DANIEL, Histoire de France depuis l’établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Paris, J.-B. Delespine, 1713.

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