Vue du Ponte Cestio depuis l’isola Tibertina

Paolo ANESI

Vue du Ponte Cestio depuis l’isola Tibertina

Huile sur toile
28 x 48 cm

Provenance :

Provenance :
• Vente anonyme, Paris, Hôtel Drouot, (Maître Baudoin), 31 mai 1919, sous le n° 98 (Vanvitelli, « Vue d’une ville - Les maisons s’élèvent sur les deux rives d’un cours d’eau traversé par un pont de pierre. Sur le sol, au premier plan, à droite, un fragment de colonne cannelée et un chapiteau brisé. »)
• France, collection particulière

Bibliographie :

Bibliographie :
• Olivier Michel, « Recherches biographiques sur Paolo Anesi », in Publications de l’École Française de Rome, Vivre à peindre à Rome au XVIIIe siècle, vol. 217, année 1996, pp. 319-334

Loué de son vivant comme l’un des plus brillants maîtres de vedute du XVIIIe siècle italien, Paolo Antonio Anesi demeure néanmoins une figure dont la vie et l’œuvre demeurent peu étudiées. Tout comme son éminent contemporain Panini, Anesi débute sa formation artistique de manière précoce, auprès de Bernardino Fergioni dit « Lo sbirretto » (1674-1738). Dans son atelier, il fait la connaissance d’Andrea Locatelli, de 2 ans son aîné, ce qui éveille probablement son intérêt pour les représentations architecturales. Son œuvre est aussi nourrie par l’importante production de Sebastiano Conca, bien qu’aucun document n’atteste qu’il ait été son élève. C’est donc naturellement qu’il choisit de se spécialiser dans la représentation de paysages urbains, exploitant ses connaissances de la perspective et de l’architecture.

Le jeune peintre s’insère aisément dans le milieu artistique romain en se rapprochant des meilleurs pinceaux dont Giovanni Paolo Panini, l’un de ses voisins lorsqu’il habite place Farnese en 1724. Une véritable relation d’amitié est par ailleurs attestée avec le peintre français de marines Adrien Manglard (1695-1760) qui devient en 1737 le parrain de son huitième enfant et Antonio Joli (1700-1777), peintre de vedute, parrain de confirmation de son fils aîné Luigi.

Tout comme la plupart des paysagistes de son temps à l’instar de Locatelli ou Monaldi, nombreuses de ses toiles sont destinées à la haute société romaine mais aussi à une clientèle étrangère, voyageurs du Grand Tour, en quête de souvenirs (ill. 1). Cette importante production explique l’absence de signature de l’artiste : les œuvres étaient parfois enregistrées en lots, sans description ni précision de lieu.
Plus prestigieux encore, le peintre est sollicité par la Maison de Savoie : ses paysages idéalisés servent à assoir la puissance culturelle et politique de l’influente dynastie.

Actif à Rome, Anesi ne quittera jamais sa ville natale. Les panoramas qu’offrent ses collines constituent autant de points de vue remarquables. L’Aventin, l’une des sept collines de Rome, semble avoir été l’une des favoris de l’artiste. Pour la réalisation de notre toile, Anesi se rend sur l’isola Tiberina, une petite île située au milieu du Tibre reliée à la rive gauche par le Ponte Cestio et à la rive droite par le Ponte Fabricio. De ce point de vue, le Ponte Cestio chevauche le Tibre au centre de la composition. Construit sous la République romaine, il est l’un des plus vieux ponts de la ville conçu pour relier l’île au quartier du Trastevere.

Suivant la tradition des glorieux peintres de paysage du XVIIe siècle tels que Claude Lorrain ou Gaspard Dughet, l’artiste mêle la poésie classique des ruines, dont on aperçoit ici une colonne brisée au premier plan, aux paysages contemporains. Tout en affichant une rigueur topographique, ses œuvres s’ornent parfois d’éléments fictifs ou idéalisés. Anesi met à profit sa maîtrise de la perspective et suit une construction rigoureuse en trois parties : un premier plan animé de personnages, un second plan structuré par l’architecture et un arrière-plan lointain, souvent vaporeux rendu par l’utilisation de la perspective atmosphérique qui renforce l’illusion du lointain.

La lumière tient également une place majeure. Douce et délicate, elle permet d’attirer le regard du spectateur au centre du tableau. Le premier plan, plongé dans des jeux d’ombres renforce l’aspect théâtral de la scène : ici des habitants affairés ont un rôle secondaire et pourtant indispensable car ils rythment la composition. Il n’est pas rare que l’artiste fasse appel à d’autres artistes spécialistes de la représentation de figures pour compléter ses œuvres. C’est le cas de Paolo Monaldi avec qui Anesi collabore pour certaines de ses commandes dont celle de la Villa Chigi à Rome (ill. 2). `
Dans les compositions du maître, les éléments d’architecture sont précis et minutieux afin de rendre avec exactitude la magnificence du savoir-faire italien, tandis que les éléments naturels, ici l’eau du fleuve et la végétation au premier plan sont traités dans une touche bien plus souple, leur conférant ainsi un effet de mouvement naturel.