Vue d’une longère au fond d’une allée arborée, aux alentours d’Offranville

Jacques Emile BLANCHE

Vue d’une longère au fond d’une allée arborée, aux alentours d’Offranville

Huile sur toile
38,3 x 46,2 cm

Monogrammée J.B en bas à droite

Provenance :

France, collection particulière

Bibliographie :

Jane Roberts, Jacques-Émile Blanche, Paris : Gourcuff-Gradenigo, 2012
Mireille Bialek, Michel Ciry, Félicien Cacan, Jacques-Émile Blanche à Offranville : peintre-écrivain, Offranville : Mairie d’Offranville, 2006

Jacques-Émile Blanche naît au sein d’une heureuse famille. Son père, le docteur Émile Blanche, médecin aliéniste, reprit après son propre père la direction d’une clinique entourée d’un vaste parc à Auteuil. C’est dans cet univers étrange entre patients agités et paisibles retraités que grandit le jeune artiste. Entre Manet, Degas, Renoir mais aussi Berlioz ou Gounod, il y côtoie de manière quotidienne les plus éminents peintres, écrivains et musiciens de leur génération.
Tous les étés jusqu’en 1895, le jeune garçon et sa famille passent l’été à Dieppe où ils font construire un chalet en bord de mer. Dans cette station balnéaire mondaine fréquentée par toute la bourgeoisie parisienne, le chalet y recevait régulièrement les habitués d’Auteuil.

Riche d’une culture multiforme, intégré dans le monde élégant, Blanche développe ses talents de portraitistes en faisant tantôt poser les élégantes françaises du faubourg Saint-Germain et anglaises de Mayfair et New York, tantôt ses illustres confrères.
Très vite, le jeune peintre est loué pour la qualité de son pinceau mais aussi pour le caractère intimiste qu’il insuffle à ses compositions. La pose de ces célébrités tel que son ami Marcel Proust dont il brosse le portrait en 1892, lui permet de satisfaire ses ambitions artistiques par la magnificence des figures mais aussi par la grande plasticité de ses toiles.

Au-delà des conversations dévoilées des coins de salons, Blanche se ressource en allant peindre sur le motif en plein air. À travers cette seconde partie de son œuvre, il dévoile par l’image la grande douceur de sa personnalité, échappant à l’étroite étiquette de portraitiste mondain. Il s’agit de paysages et natures mortes entre autres qui traduisent sa grande sensibilité.
Le peintre y exprime pleinement son identité coloriste. L’exercice du plein air lui permet de se confronter à l’étude de la lumière grâce à laquelle il est possible de libérer la couleur par son éclatement. Il n’est pas question de représentation stricte mais de sensation. L’artiste fait appel à l’imagination du spectateur. Alors qu’elle ne comporte aucun personnage, cette vue d’une allée donnant sur une longère en arrière-plan semble avoir été foulée par les piétinements d’enfants et des visiteurs venus chercher la sérénité loin des bruits assourdissants de la vie moderne.

Bien que le lieu n’ait été formellement identifié, il pourrait s’agir d’une maison proche de celle du couple Blanche dans le pays de Caux que le peintre pouvait visiter régulièrement (ill. 1). En effet, contraint par la maladie de son épouse Rose de s’éloigner de l’air trop vif du front de mer de Dieppe, Jacques-Émile passe désormais la belle saison au manoir du Tôt à Offranville qu’il loue à partir de 1902 (ill. 2) . Il s’agit d’une imposante bâtisse en brique, grès et silex caractéristique de l’architecture des manoirs, longères et corps de ferme du XVIIe siècle de cette région, que l’on retrouve dans notre œuvre.

La touche est à la fois libre et fragmentée, nerveuse et appuyée, elle suggère habilement le mouvement des feuilles caressées par le vent et rend les éléments presque tangibles. Le pinceau éparpille la matière par touches successives et permet de rendre la densité de la pierre, l’empâtement et l’aspect terreux de l’allée qui creuse la perspective et mène à la maison. L’œuvre dévoile ainsi un havre de paix et de tranquillité baigné dans une douce lumière dorée d’un après-midi d’été.
Loué pour ses portraits mondains, Jacques-Émile Blanche réserve, parmi une production de plus de 2000 tableaux, une place à l’harmonie et au refus de l’ostentation à travers de délicats paysages intimistes tels que celui que nous vous présentons.

M.O