Nicolas VLEUGHELS (Paris, 1668 – Rome, 1737)

Diane endormie Au verso : étude pour un portrait d’homme

22,5 x 48,5 cm

Vers 1725
Pierre noire, estompe et rehauts de craie blanche sur papier bleu
Au verso : pierre noire, craie blanche et rehauts de pastel

Provenance :
• France, collection particulière.

Bibliographie :
• Bernard Hercenberg, Nicolas Vleughels : peintre et directeur de l’Académie de France à Rome, 1668-1737, Léonce Laget, Paris, 1975
• Neil Jeffares, « VLEUGHELS, Nicolas » in Dictionnary of pastellists before 1800, online edition
• Emmanuelle Brugerolles (dir.), François Boucher et l’art rocaille dans les collections de l’École des beaux-arts, ENSBA, Paris, 2003
D’ascendance flamande, Nicolas Vleughels naît pourtant à Paris et se forme à l’exercice artistique auprès de son père Philippe Vleughels, portraitiste. Nous ne disposons que de peu d’éléments biographiques sur les débuts du jeune Vleughels qui grandit dans le milieu de la colonie flamande de Saint-Germain-des-Prés et « s’attach(e) à Pierre Mignard qui pendant quelque tems le dirigea dans Ses études » à l’Académie.
Vleughels témoigne très tôt d’un intérêt pour l’Italie. Il séjourne à Rome en 1707 et y retournera plusieurs fois. Il visite également Modène, Parme et Venise mais c’est véritablement à Rome que l’artiste s’établit lorsqu’il est nommé par le duc d’Antin en 1724 pour co-diriger puis diriger l’Académie de France. Entre une famille d’origine flamande, un environnement français et une passion italienne, l’œuvre de Nicolas Vleughels est complexe : ses influences diverses se décèlent à travers ceux qu’il considère comme ses maîtres : Rubens, Véronèse et Watteau. La paternité de ses œuvres a ainsi souvent pu être confondue avec quelques-uns de ses contemporains.

Sur une feuille de papier bleu très prisé au XVIIIe siècle, notre dessin représente une académie de jeune femme allongée, tenant un arc à demi-caché derrière son corps nu. Vleughels est un peintre d’histoire, lorsqu’il ne s’agit pas de figure religieuse, les figures féminines de l’artiste sont bien souvent allégorisées : cette image pourrait être une étude pour une œuvre de format plus ambitieux représentant le repos de Diane chasseresse, ou encore celui de Vénus et l’amour. Au verso, l’œuvre est doublée d’un portrait d’homme à la pierre noire rehaussée de craie blanche et de pastel.

Dans une époque de querelle entre les rubénistes et les poussinistes, Vleughels, suivant l’enseignement paternel, s’attache à la première catégorie. Bien que les détails des débuts de sa carrière de sa vie demeurent minces, Vleughels fait preuve d’un raffinement et d’une maîtrise du dessin auquel il ajoute presque systématiquement de la couleur. Doué d’une excellente culture artistique, il étudie les maîtres anciens sans en devenir copiste mais va au-delà de son apprentissage : il s’inspire et réinvente en faisant une synthèse de ses influences. Coloriste assidu, il mêle le coloris rubénien de son héritage flamand à la chaleur et l’élégance vénitienne. À Venise, sa rencontre avec Rosalba Carriera (1673-1757) est déterminante, elle lui permet de se former au maniement du pastel, technique dans laquelle l’artiste fait preuve d’une grande aisance.

À Rome, l’enseignement de Vleughels à l’Académie passe par la réalisation d’académies féminines marquées par des formes pleines, un enseignement transmis avec rigueur à ses élèves notamment Etienne Jeaurat (1699-1789) et Pierre Subleyras (1699-1749). Un détail anatomique en particulier rapproche notre dessin de la main de Vleughels qui choisit bien souvent de mettre en saillie une épaule particulièrement – ici celle de gauche – et tend à faire disparaître l’autre. En résulte un effet de volume instantané permettant de positionner la figure dans l’espace d’une surface pourtant plane. Une complexité propre à l’artiste que l’on retrouve dans plusieurs œuvres de sa main dont L’étude de femme conservée à Paris au département des Arts Graphiques du musée du Louvre (ill. 1).
Fidèle aux modèles féminins de l’artiste, notre académie témoigne de l’influence rubénienne dans l’attitude, la position torsadée du corps et dans la musculature puissante paradoxalement rendue molle par la rondeur du modelé. L’artiste met en exergue son savoir-faire par une utilisation ingénieuse de la craie blanche pour retranscrire la lumière et de hachures à la pierre noire pour exposer cette chair tant exacerbée dans l’œuvre de Rubens. Quelques détails anatomiques rappellent aussi l’enseignement flamand par les yeux en amande et les doigts tentaculaires allègrement étirés de notre modèle. Enfin, l’artiste dispose un drapé autour du corps étendu qui en accentue les formes et apporte un volume supplémentaire à l’ensemble. Il est intéressant de mettre en relation notre œuvre avec la Diane endormie de François Boucher conservée à l’École des beaux-arts de Paris (ill. 2). Bénéficiant de l’enseignement de Vleughels, Boucher, alors pensionnaire à l’Académie de France à Rome, eut l’occasion de travailler d’après les modèles du maître en reprenant ici l’exacte composition qu’il traita cependant à la sanguine rehaussée de craie blanche.

Vleughels est un excellent coloriste. Ses dessins reflètent le travail mené sur la couleur. Sur une feuille grise, chamois ou bleue très appréciée au cours du XVIIIe siècle, l’artiste rehausse systématiquement ses dessins de crayon, de craie et de pastel qui en font des dessins très aboutis (ill. 3 et 4). Le verso de notre académie témoigne de cette technique. Bien que simplement esquissé, Vleughels accentue la présence du modèle par un traitement fin du regard et s’efforce d’apporter une dimension supplémentaire à son œuvre en colorant les pommettes de sanguine et de pastel orangé et les lèvres d’un pastel rouge flamboyant tirant sur le rose.

La monographie extrêmement précieuse de Bernard Hercenberg permit de mieux appréhender l’œuvre de Nicolas Vleughels, artiste quelques peu oublié du marché dont la majeure partie de l’œuvre dessinée reste certainement à découvrir.
Ses relations développées auprès des plus grands noms de son temps tels qu’Antoine Watteau avec qui l’artiste vivra un temps à Paris ou encore le financier, collectionneur et mécène Pierre Crozat (1661/5-1740), permettent à Nicolas Vleughels de se placer comme une éminente figure de la peinture française : un talent récompensé par sa nomination à la direction de l’Académie de France à Rome qu’il occupe jusqu’à sa mort en 1737.

M.O

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