Antoine WATTEAU (Valenciennes, 1684 - Nogent-sur-Marne, 1721)

Étude de jeune femme de profil et deux études de mains et Au verso : étude de bras et de main

18,3 x 11 cm

Sanguine sur traits de pierre noire

Provenance :
• France, collection particulière

Bibliographie :
• Louis Antoine Prat, Pierre Rosenberg, Antoine Watteau, 1684-1721 : catalogue raisonné des dessins, Paris : Gallimard-Electa, 1996

Adulée du vivant de l’artiste et pourtant délaissée peu après sa mort prématurée en 1721, l’œuvre de Jean-Antoine Watteau retrouve son apogée à l’aube du XIXe siècle et plus encore dans la seconde moitié du siècle.
Watteau naît en 1684 à Valenciennes, ville flamande tout juste cédée par les Pays-Bas espagnols à la France. Sa formation artistique y débute dans l’atelier de J.-A. Gérin. À l’âge de 18 ans, il s’établit à Paris et y développe sa manière en copiant des tableaux religieux flamands dont ceux de Vleughels et Spoëde. La plupart des œuvres de l’artiste de cette période ne sont aujourd’hui connues que par la gravure.
À partir de 1703, il découvre les boutiques d’estampes de la rue Saint-Jacques de Pierre II Mariette et son fils Jean qui lui révèlent l’œuvre de Titien, Rubens, Callot et Picart dont il tire une grande inspiration et adopte définitivement le coloris dans une touche plus fluide.

La réalisation en 1717 de son œuvre Le pèlerinage à l’île de Cythère lui apporte tous les honneurs espérés. Il rejoint l’Académie royale en tant que peintre d’un genre nouveau, titré « peintre de fêtes galantes ».
Entre les sentiments de poésie, d’amitié et d’amour, Watteau plonge le spectateur dans de somptueux décors oniriques dans lesquels les personnages déambulent et s’animent avec la plus grande courtoisie, en harmonie avec la nature environnante.

« Ils sont d’un goust nouveau, ils ont des grâces tellement attachées à l’esprit de l’auteur qu’on peut avancer qu’ils sont inimitables. Chaque figure sortie de la main de cet excellent homme a un Caractère si vrai et si naturel que toute seule elle peut remplir et satisfaire l’attention, et semble n’avoir pas besoin d’être soutenue par la Composition d’un plus grand sujet. D’ailleurs la réputation qu’il s’est aquise, tant en France que dans les païs étrangers, fait Croire avec raison que les moindres morceaux qu’il a produits sont précieux et ne peuvent être recherchez avec trop de soin. »

Pour la réalisation de ces œuvres majestueuses, l’artiste multiplie les esquisses d’après nature comme source infinie d’inspiration pour les différentes poses et expressions de ses figures. L’œuvre que nous vous présentons est un remarquable exemple de ces études. Sur une feuille de dimensions restreintes (probablement issue d’un carnet de dessins de l’artiste) sont tracés à la sanguine les contours du profil d’une jeune femme d’une étonnante sensibilité. Durant toute sa carrière, Watteau travaille à l’élaboration d’un type féminin caractéristique ainsi qu’à la variété de leurs poses et attitudes. Observateur attentif, il accorde une grande attention dans le rendu des détails. La mode contemporaine tient par ailleurs une place importante dans son œuvre, les détails des robes et coiffures sont rendus avec une grande acuité. On observe ici un ruban soigneusement noué dans les cheveux du modèle partant du haut d’un chignon et retombant sur le front que l’on retrouve dans d’autres études (ill. 1 et 2).
La virtuosité de sa main sut retranscrire le frémissement de la chair d’une simple indication de sanguine. Ses premiers biographes louent la liberté, la finesse, la légèreté de la ligne de ses dessins qui forment probablement la partie la plus fascinante de son œuvre. Watteau lui-même était très attaché à ses dessins.

Désinvolture, insouciance, artifice et préciosité forment les maîtres-mots de l’œuvre d’Antoine Watteau. En cette première moitié du XVIIIe siècle, les certitudes héroïques du baroque laissent place aux subtilités élégantes de l’art lancé par ce génie de la peinture française. Son œuvre traduit une peinture de songes : les conversations retranscrites dans de féériques parcs sont bercées par d’éternels menuets. À travers ces élégantes figures empreintes d’une certaine mélancolie, Watteau retranscrit sa propre méditation rêveuse, reflet de sa fragile condition qui le fit tant souffrir.
À 35 ans, Watteau se rend à Londres afin de consulter un médecin. Le rigoureux hiver anglais lui sera fatal et l’artiste meurt prématurément à son retour en France en 1721.

M.O

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