30 x 18.8 cm
Plume, encre brune et lavis d’encre grise
Traces de mise au carreau à la pierre noire
Provenance :
• France, collection particulière
Bibliographie :
• Stefanie Michaela Leibetseder, Johann Paul Egell (1691–1753). Der kurpfälzische Hofbildhauer und die Hofkunst seiner Zeit. Skulptur, Ornament, Relief, Petersberg, 2013.
Loué de son vivant et pourtant injustement oublié de l’histoire, Johann Paul Egell fait partie de ces artistes dont l’œuvre marque de manière décisive la transition entre le baroque et le rococo en Allemagne au début du XVIIIe siècle. Les premières années de sa vie ainsi que sa formation de sculpteur demeurent mystérieuses. Né à Waibstadt, dans le Palatinat, sa date de naissance exacte ne nous est connue que grâce à celle de 1691 figurant sur la gravure de son portrait. Sa première réalisation répertoriée est une commande réalisée en 1715 représentant un crucifix de 90 cm de hauteur, livré au monastère Saint-Michel de Bamberg. Egell a alors 24 ans.
En 1720, l’artiste s’installe à Mannheim et y restera jusqu’à sa mort en 1752. Établi en tant que maître accompli, reconnu par ses pairs, il est appelé à rejoindre la cour du prince électeur Karl III Philipp (1661-1742) et devient sculpteur officiel de la cour 1729.
Suite à la guerre de Succession d’Espagne, (1701-1714), la ville de Mannheim fut complètement ruinée. Sensible à l’art, le prince électeur lance un vaste programme de reconstruction, faisant appel aux meilleurs artistes de son temps. Egell prend part à ce projet à travers la réalisation de décors (aujourd’hui disparus) pour la résidence personnelle du prince désireux de concurrencer Versailles. Le sculpteur ne crée pas moins de 300 figures de balustrade, stucs ornementaux de la salle des chevaliers et de l’escalier principal. En quelques années, la ville de Mannheim devient l’une des villes les plus modernes et les plus florissantes d’Europe.
Considéré comme l’une des plus excellentes mains de son vivant, Egell ne signe que rarement ses œuvres graphiques ou sculpturales. Très peu d’exemples identifiés de sa main subsistent. Il reçoit pourtant de nombreuses commandes d’illustrations. Cette partie de son œuvre demeure peu étudiée. 17 dessins furent répertoriés comme préparatoires à des gravures sur cuivre des « Scriptores Historiae Romanae latini veteres », un ouvrage en 3 volumes publié à Heidelberg à partir de 1743.
En Italie, en cette première moitié du XVIIIe siècle, le rapport au réel s’amoindrit, le maniérisme et le baroque s’entremêlent. Le goût pour l’exacerbation des expressions, dans laquelle se profile une forte sensation de grâce, est très appréciée. Notre dessin illustre ce carrefour d’influences.
Sur une feuille de papier chamois, l’artiste trace les contours d’une figure en pied, vêtue à l’antique, tenant une épée et coiffée d’une couronne. Il semble s’agir d’un empereur romain dont trois autres feuilles, de mêmes dimensions, soulignées d’une mise au carreau tracée à la pierre noire, sont aujourd’hui conservées à l’Albertina de Vienne (ill. 1, 2 et 3). Notre dessin et ceux du musée autrichien sont similaires en tous points, comme si l’artiste avait réalisé une série. Pour les sculpteurs, l’étape du dessin est essentielle pour tracer les contours et se rendre compte des effets de lumière sur les étoffes. Les contours sont en effet ici tracés à la plume puis réhaussés d’encre encre. Les volumes sont quant à eux rendus au lavis gris. Le dessin, sculptural dans sa mise en forme, fut probablement préparatoire à une sculpture ou projet de bas-relief, statue ou stuc. Malheureusement, aucune de ces feuilles n’a pu être reliée à l’une de ses œuvres achevées.
Les figures de l’Albertina possèdent chacune une inscription à la plume sous chaque personnage représenté, mentionnant le nom de l’empereur : Vitellius, Auguste et Titus. Dans notre œuvre, l’annotation à la pierre noire n’a pas été doublée de plume, elle est donc en partie effacée. Le premier nom commence vraisemblablement par la lettre V. On peut supposer que la figure ici représentée est celle de Valérien Ier, ou encore Volusien, reconnaissable à sa barbe (ill. 4).
Entre dessins et sculptures en pierre, stuc, bois, métal et ivoire, l’œuvre de Johann Paul Egell est extrêmement variée. Elle s’étend de la sculpture architecturale aux statuettes et reliefs de format restreint. Notre dessin est un exemple rare de la production graphique de ce sculpteur en quête de grandiose, admirant l’Antiquité comme un moyen certain de rendre la noblesse des décors en Allemagne dans cette première moitié du XVIIIe siècle.
M.O
Egell’s body of work is remarkably diverse. It ranges from architectural sculptures to small-scale statuettes and reliefs. Our drawing is a rare example of this sculptor’s graphic production—a testament to his pursuit of grandeur and his admiration for Antiquity as a means of elevating artistic expression in 18th-century Germany.
M.O.