Fernand KHNOPFF (Grembergen 1858 – Bruxelles 1921)

« La Défiance »

Crayon de couleur et pastel sur base photographique. Signé et daté 1893 en bas à gauche.

Fernand Khnopff a étudié la peinture à l’Académie des Beaux‑Arts de Bruxelles, sous la direction de Xavier Mellery. Il y fit la connaissance de James Ensor, lui aussi représentant important du symbolisme belge. En 1883, il fût l’un des co-fondateurs du groupe des XX, qui se proposa d’exposer les oeuvres des artistes symbolistes européens. Egalement membre fondateur de la Libre Esthétique, Khnopff prit part au Salon Rose+Croix dès 1885. Après un long séjour en Angleterre, sa participation à la première exposition de la Sécession Viennoise (1898) fût remarquée par Gustave Klimt et marqua un tournant dans sa carrière.

S’il prit fréquemment pour modèle sa soeur Marguerite, en tant qu’égérie d’un idéal féminin, Khnopff portraiture dans ce dessin, Lily Maquet, une jeune fille anglaise, dont la famille résidait à Bruxelles. Ami fidèle des Maquet, il représenta fréquemment les trois soeurs, Elsie, Lily et Nancy.

L’artiste utilisait alors la technique des photographies rehaussées. Celles‑ci étaient prises par le photographe Alexandre, d’après un dessin original du peintre. Elles étaient ensuite retravaillées par Khnopff qui recréait, à chaque fois, une oeuvre nouvelle. Le dessin original de « La Défiance », appartient à une collection privée parisienne et est publié dans la seconde édition du catalogue raisonné (Gisele Ollinger‑Zinque, Fernand Khnopff, Leberr Hossmann, Bruxelles, 1987, n°221). Une dizaine de photos rehaussées de composition identique existent. Elles sont introduites sous le numéro 221 bis du catalogue raisonné (Ibidem).
L’une d’entre elle, conservée au Musée d’Ixelles, fut exposée à trois reprises : à l’exposition « Femmes Fatales – 1860-1910 » au Groninger Museum (2003), à la rétrospective de l’artiste au Musée Royaux des Beaux‑Arts de Belgique (2004) et à « La Belgique dévoilée : de l’impressionnisme à l’expressionnisme » à la Fondation de l’Hermitage de Lausanne (2007).

Notre photographie rehaussée reprend un détail du dessin original que l’artiste modifie en tondo. Ce cadrage est répété dans l’une de ses oeuvres des plus singulière, « Brown eyes and a blue flower » (fig. 2) conservée au Museum voor Schone Kunsten à Ghent et présentée à la rétrospective itinérante de l’artiste à Bruxelles, Salzbourg et Boston. Ce tondo représente vraisemblablement le même modèle. Le titre, descriptif, n’est plus qu’allégorique même si les éléments principaux du dessin, le regard et la fleur, sont identiques.

Lily incarne une icône du symbolisme. Seuls les traits principaux de son visage transparaissent : les yeux, le nez et les lèvres. Ce regard si profond fascine, tandis qu’au premier plan, le délicat cyclamen blanc évoque à la fois la pureté et la défiance, incarnées par la jeune fille. Symbole énigmatique de beauté, Khnopff idéalise son modèle qui devient comme impalpable, telle une divinité illusoire, simplement identifiable par son attribut.
Cette idée est renforcée par les propos du critique Philippe Azoury : « Fernand Khnopff était, des peintres symbolistes, celui qui a cru, presque à la folie, que les mêmes traits de femmes réitérés à l’infini lui restitueraient un idéal perdu » (cf. « Les obsessions de Khnopff, Libération du 19 mars 2004).
Un idéal perdu, certes, mais constamment évoqué dans son oeuvre. Nous la résumerons par ces trois mots : énigmatique, séduisante et subtile. Beauté divinisée comme l’étaient les femmes rousses dans les oeuvres des Préraphaélites. Représentantes de l’atemporalité entre vie et mort, elles semblent ne pas appartenir au monde, elles deviennent plus lointaines, plus inquiétantes.

La femme prédominante dans toute l’oeuvre de Khnopff, incarne pleinement ce mouvement pictural qu’est le symbolisme.

Provenances :
- Collection Paul Sachs, Munich (Lugt 2113)
- Collection E.S., Bruxelles
- Collection W.O.R., Amsterdam
- Collection Galerie belge, Vedrin

Bibliographie :

- R. DELEVOY, C. de CROES et G. OLLINGER-ZINQUE, Fernand Khnopff, Leeber-Hossmann, Bruxelles, 1979
- P. AZOURY, « Les obsessions de Khnopff », Libération, 19 mars 2004
- F. LEENE, Fernand Khnopff, 1858-1921, catalogue d’exposition au Musée Royaux des Beaux-Arts de Belgique, juin-août 2004
- H. van OS, Femmes fatales, 1860-1910, catalogue d’exposition au Groninger Museum, janvier-mai 2003, BAI, Wommelgem, 2002
- M. DRAGUET, Le symbolisme en Belgique, Fonds Mercator-Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles, 2004
- M. GIBSON, Le symbolisme, Taschen, Köln, 2006
- J.D. JUMEAU-LAFOND, Les Peintres de l’âme. Le Symbolisme idéaliste en France, Pandora, Anvers, 1999
- R. RAPETTI, Le symbolisme, Flammarion, Paris, 2007

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