33 x 26 cm
Plume, encre brune et lavis brun.
Provenance :
• France, collection particulière.
Bibliographie- :
• Anna Forlani Tempesti, The Robert Lehman Collection. V. Italian Fi-eenth to Seventeenth Century Drawings, New York, The Metropolitan Museum of Art, Princeton University Press, 1991.
Notre dessin correspond en tout point avec les représentations religieuses caractéristiques de la seconde moitié du XVIe siècle à Venise.
En Italie, la seconde moitié du siècle voit la naissance de la Contre-réforme, instituée par le Concile de Trente qui contrôle désormais la représentation des images religieuses pour faire face à la Réforme protestante. Dans ce contexte, les images d’ecclésiastiques en prière sont très appréciées et traitées par la plupart des artistes reconnus comme instruments de liaison entre l’homme et le Christ. Notre dessin présente le doge de Venise, entouré du pape (probablement Pie V), d’ecclésiastiques et de soldats qui semblent remercier le ciel pour la victoire de Lépante.1
Notre composition peut être rapprochée d’un dessin classé comme anonyme italien du XVIe siècle, conservé au Louvre (département des Arts graphiques, inv. 10334 recto) et décrit dans un inventaire du XVIIe siècle comme "présentant une vigion d’un pape estant aupres d’un roy autre prelats contre grand nombre de gens de guere lequel voye Nostre Seigneur entre saint Piere et saint Paul et un ange qu’ond arme sur des nuees"2. Bien que le cadrage de notre dessin soit plus resserré que celui du Louvre, les deux feuilles semblent pourtant présenter même sujet. Dans une architecture classique dont on observe les arcades cintrées, le doge de Venise, entouré du pape et d’ecclésiastiques en prière sont agenouillés sur ce qui s’apparente aux marches d’une église, devant une nuée céleste. Si notre dessin présente seulement les contours de la nuée, le dessin du Louvre permet d’imaginer la scène : le Christ entouré des saints Pierre et Paul. Le groupe est suivi d’une dizaine de soldats brandissant des étendards célébrant la victoire navale.
L’écriture rapide à la plume agrémentée de lavis brun fait de notre dessin une œuvre spontanée. Vraisemblablement préparatoire à une œuvre finale, notre dessin a probablement permis à l’artiste de capturer ses premières idées en réduisant la composition à ses éléments essentiels. En cernant ainsi les figures, il donne plus de force à l’image de piété au centre de notre composition, plus étouffée par la profusion de soldats dans la version du Louvre. À l’arrière-plan, l’espace d’ouverture de l’architecture sur l’extérieur se rencontre déjà dans des compositions d’artistes vénitiens de la première moitié du siècle, présentant presque systématiquement le doge de Venise. L’ouverture permet d’aérer la composition et de lui donner plus d’ampleur tout en conservant l’attention sur la scène principale.
Caractéristique des années 1570-1575, notre dessin peut être considéré symbole de la piété religieuse de son commanditaire. Par la clarté des compositions, l’église catholique incite à revivre intérieurement le message chrétien à travers l’image, support visuel lisible pour convaincre les fidèles par l’émotion.
M.O.
1 La bataille navale de Lépante, sur la côte occidentale de la Grèce, opposa les navires ottomans et la flotte chrétienne composée principalement des escadres vénitiennes et espagnoles et réunies sous l’initiative du pape Pie V (1566- 1572) sous le nom de « Sainte-Ligue ».
2Notice de l’Inventaire Jabach, février 1671. Minute. Paris, Archives nationales, O1 1967 : « Invantaire de 448 desseins des escoles de Venise et Lombardie : 282 Une vigion d’un pape estant aupres d’un roy autre prelats contre grand nombre de gens de guere lequel voye Nostre Seigneur entre saint Piere et saint Paul et un ange qu’ond arme sur des enue, a la plume lavé sur de papier blan de 1 pied 5 pouce de long sur 1 pied 8 1/2 pouce de haur 1 pied 8 1/2 pouce de haut dudit [de Fran[cis]co Parmisan[o]] »