Adam Frans VAN DER MEULEN et atelier (Bruxelles, 1632 - Paris, 1690)

Le siège d’Audenarde

38,8 x 95,6 cm

1680-1683
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Sanguine sur traits de pierre noire sur deux feuilles de papier assemblées.
Mise aux carreaux au stylet
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Annoté en bas à droite à la sanguine Vander Meulen fec
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Filigrane : moulin et initiales ICIG
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Provenance
• France, collection particulière

Alors que la construction de Versailles battait son plein, Louis XIV détermina de faire édifier un nouveau château dans le vallon de Marly. Résidence d’agrément, Marly était conçu comme une fantaisie architecturale, avec ses douze petits pavillons et un élégant Pavillon Royal de plan carré. Les quatre appartements de celui-ci, réservés à la famille royale, étaient séparés par des vestibules où régnait la simplicité : peinture blanche sans dorure, plafond sans stucs et, pour seule décoration, deux tables de marbre et, au-dessus, deux grands tableaux ayant pour thème les Conquêtes du roi ou, plus exactement, les batailles et les sièges de la Guerre de Dévolution de 1667-1668.

Pour la réalisation de ces toiles, Louis XIV fit appel à Van der Meulen, qui jusqu’alors avait surtout œuvré pour les Gobelins et n’avait peint qu’occasionnellement pour le roi. La décoration de Marly fut pour lui l’occasion de produire un grand ensemble de tableaux de son invention. La commande fut passée dès le début des années 1680. Le peintre pouvait s’inspirer de ses propres croquis, réalisés alors qu’il accompagnait les armées royales avec Le Brun, mais également durant le voyage fait en 1679 pour « prendre les vues en perspective des villes et places de ses nouvelles conquestes, mesme de celle que Sa Majesté a rendues par le traité de Nimègue au Roy catholique » (Colbert au gouverneur de Dinant, 9 août 1679).

En 1684, Van der Meulen livra six premières toiles, parmi lesquelles Le Siège d’Audenarde, placée dans le vestibule Ouest et qui y resta jusqu’en 1758.
Audenarde fut l’un des derniers sièges de la campagne de Flandre où le roi commanda en personne. La ville fut investie le 28 juillet. Le lendemain, le maréchal d’Aumont fit ouvrir la tranchée pour y établir une batterie. La puissance de feu poussa le gouverneur à capituler dès le 31 juillet : il arriva dans le camp français « dans le tems que le Roy qui était campé à une demi lieüe arrivait pour visiter les tranchées » (Marquis de Quincy, 1726, I, p. 281).

C’est cette entrevue que Van der Meulen choisit de représenter. On reconnaît, à gauche, le gouverneur d’Audenarde suivi des magistrats, et, au centre, Louis XIV à cheval, entouré de son état-major. Au loin, les canons tonnent créant des brèches dans les fortifications de la ville : c’est le seul détail réellement militaire dans une peinture qui s’apparente davantage à un vaste paysage animé d’une brillante cavalcade de cour. Dans le placet adressé par le peintre à Louvois vers 1683 ou 1685, il titre son œuvre non pas Siège d’Audenarde, mais « La Ville d’Oudenarde, le Roy sur le devant avec sa cour ». En 1685, Robert Bonnart, élève de Van der Meulen, grava le tableau, déjà célèbre, sous le nom mixte de Vue de la ville et du Siège d’Audenarde.
Comme à son habitude, Van der Meulen prépara sa toile à l’aide de nombreux dessins, souvent mis aux carreaux pour faciliter le transfert et dont le grand format obligeait l’artiste à les garder roulés. Le Mobilier national, qui conserve les dessins et les calques trouvés dans l’atelier de l’artiste à sa mort et échus au roi, ne compte pourtant que trois feuilles pour Audenarde : deux vues de la ville (inv. 19 et 20) et un grand dessin à la pierre noire attribué au maître et à l’atelier et qui ne concerne que les figures dont les gestes diffèrent parfois de la peinture finale (inv. 18, 66 x 139 cm).

Échappée, comme bien d’autres croquis, de l’atelier de Van der Meulen avant la mort de l’artiste, notre feuille n’étudie également que les personnages du tableau, ne faisant qu’évoquer les contours des fortifications d’Audenarde au second plan. Plus petite et soignée que le dessin du Mobilier national, elle est travaillée surtout à la sanguine, médium beaucoup utilisé par le maître dans les années 1680. Les différences avec la toile de Marly sont minimes. Elles sont en revanches considérables avec la gravure de Bonnart qui avait notamment supprimé certains cavaliers et serviteurs. Il s’agit donc soit d’une étape dans l’élaboration du tableau destiné au roi, soit d’une esquisse préparant une réplique commandée à Van der Meulen par un particulier. Des réductions des Conquêtes étaient en effet très recherchées : une version d’Audenarde ornait le petit cabinet de Mademoiselle de Montpensier au château de Choisy, une autre était chez Louvois (Versailles, inv. MV 97, huile sur toile, 234 x 191) et deux toiles d’environ 143 sur 103 cm se trouvaient encore chez le peintre en 1690.

Si l’ordonnance et la mise en page de notre dessin reviennent avec certitude à Van der Meulen, la confrontation avec les œuvres assurément autographes du peintre, comme L’Armée de Louis XIV au prieuré de Fives (Mobilier National, inv. 135), préparatoire au décor de Marly, révèle la sècheresse de certains détails et la traduction trop soignée des visages ou des vêtements, laissant croire à la participation d’un collaborateur. La pratique fut courante dans l’atelier de Van der Meulen, où travaillaient des artistes comme Jean-Baptiste Martin dit Martin des Batailles (1639- 1735), successeur de Van der Meulen à la Manufacture des Gobelins, qui participa activement aux commandes de Marly, mais également Adriaen Frans Boudewyns (1644- 1711) ou Sauveur Le Comte (1659-1694).
A.Z.
Bibliographie générale (œuvre inédite)
• Isabelle Richefort, Adam-François Van der Meulen, peintre flamand au service de Louis XIV, Rennes, PUR, 2004.
• Laure Starcky, Paris, Mobilier national, Dessins de Van der Meulen et de son atelier, Paris, RMN, 1988.
• Sthéphane Castelluccio, « Les “Conquestes du Roy” du château de Marly », dans À la gloire du Roi. Van der Meulen, peintre des conquêtes de Louis XIV, cat. exp., Dijon, musée des Beaux-Arts, Paris, 1998, p. 220-231.

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