41,8 x 30,8 cm
Aquarelle, gouache et feuilles d’or sur papier
Porte une étiquette 285 sur le verre du cadre en bas à gauche
Dans son cadre à fronton d’origine daté 1909 (57,9 x 46 cm)
Provenance :
Belgique, collection particulière.
Bibliographie :
Charlotte Foucher, « Elisabeth Sonrel (1874-1953) : une artiste symboliste oubliée » in Bulletin des amis de Sceaux, Sceaux, n°25, 2009
Formée très jeune à l’exercice de la peinture par son père, Nicolas Stéphane Sonrel, la jeune Élisabeth évolue dans un milieu familial favorable à une carrière artistique. Cependant, l’accès à l’académie des Beaux-Arts de Paris étant refusé aux femmes jusqu’en 1897, elle intègre l’Académie Julian à l’âge de 17 ans sous l’enseignement de Jules Lefebvre, afin de terminer sa formation.
Prise entre deux siècles, Sonrel suit les tendances artistiques décoratives qui placent, au début du XXe siècle, la figure féminine et la nature au centre de l’attention. Entre symbolisme et art nouveau, ses œuvres font également preuve d’un certain mysticisme qu’elle traduit à travers la beauté sage et sérieuse de ses modèles. Ses sujets, principalement féminins, arborent deux qualités esthétiques chère à l’artiste : la tendresse et l’élégance.
La délicatesse de son œuvre fut en partie provoquée par un voyage à Florence effectué au début du siècle qui marquera profondément son style. Ainsi, ces figures féminines aux doux visages idéalisés sont communément empreintes d’une grâce botticellienne, et représentées dans des décors arborés résultant, entre autres, de ses nombreuses visites de la forêt bretonne de Brocéliande, des paysages de Concarneau, et de Plougastel.
En France, la seconde moitié du XIXe voit la résurgence du Moyen-Âge en réaction aux bouleversements économiques et leurs impacts sociaux provoqués par la Révolution industrielle. L’idéalisation de ce passé inspire de nombreux artistes et place naturellement le sacré au cœur de leur travail. Cette veine mystique touche intensément l’œuvre de Sonrel et la rapproche étroitement de ses contemporains Pierre Puvis de Chavannes (Lyon, 1824 – Paris, 1898) et Edgar Maxence (Nantes, 1871 - La Bernerie-en-Retz, 1954) pour la prédominance du sacré et leur vision panthéiste de la nature.
En utilisant la feuille d’or autour de notre figure, Sonrel apporte une dimension mystique supplémentaire suggérant une nouvelle fois le divin, un écho certain aux icônes religieuses du XIVe siècle invitant à la dévotion. Dans notre tableau, l’or est aussi rappelé par la couleur ocre utilisée pour le cartouche présent sous la figure annonçant : JACQUELINE. En effet, contrairement à ses contemporains, Sonrel gratifie ces femmes idéalisées de prénoms permettant de les identifier comme saintes ou figures pieuses en concentrant l’attention sur les détails de leur visage.
Grâce à une palette pastel créant un effet évanescent, Sonrel exprime la délicatesse et la mélancolie de ses modèles, à laquelle s’ajoute la dimension spirituelle, évoquée par l’utilisation de la feuille d’or. La technique de l’aquarelle, largement employée par l’artiste, lui permet également de créer des effets de matières, inspirés de son séjour italien, comme un léger sfumato autour de ses figures.
Représentée au Salon des artistes français, ainsi qu’à celui de la Société des aquarellistes français entre 1893 et 1939, Élisabeth Sonrel rafle tous les suffrages. Artiste symboliste par excellence, son œuvre fut cependant injustement oubliée durant presque un siècle avant d’être réhabilitée par la critique dans les années 1990. Spécialiste de la représentation de portraits féminins, elle occupe aujourd’hui une place prépondérante dans l’art pictural de la première moitié du XXe siècle.
M.O.