54 x 42 cm
Pierre noire, fusain, estompe et rehauts de craie blanche sur papier chamois
Provenance :
• France, collection particulière
Bibliographie :
• A.S. Harris and L. Nochlin, Women Artists : 1550-1950, Los Angeles, 1976
• V. P. Cameron, « Portrait of a musician by Pauline Auzou », in The Currier Gallery of Art, n° 2, Manchester, 1974
• Clement-Hemery, Souvenirs de 1793 et 1794, Cambrai, 1832
• Amandine Corse, Introduction. Plumes et Pinceaux : Discours de femmes sur l’art en Europe (1750-1850) – Anthologie, Dijon, Les Presses du réel, 2012
• A. B. Sutherland Harris and L. Nochlin, Women Artists, 1550–1950, [cat.exp.], Los Angeles, Co. Mus. A., 1977
A l’aube de la Révolution, sur les 400 « peintres-artistes » actifs recensés, seules 10% sont des femmes. Parmi elles, la jeune Pauline Auzou (née Desmarquest), débute son apprentissage en rejoignant l’atelier féminin nouvellement créé du fameux peintre d’histoire Jean-Baptiste Regnault (1754-1829). Supervisé par son épouse Sophie, l’atelier situé dans l’appartement du peintre au Louvre formera, au cours de son existence, un nombre record de 34 exposantes au Salon . Regnault n’est pas le seul à soutenir les artistes féminines : au Salon les jeunes élèves de David, Vincent et Suvée – jusqu’à son départ pour Rome en 1801 – rivalisent d’excellence. Naturellement, Auzou est initiée aux spécialités de son maître : le portrait et la peinture d’histoire. Pour cela, il faut apprendre d’après le modèle vivant dans une époque pourtant régie par des questions de prétendue bienséance qui empêchent les artistes femmes d’étudier le corps humain dans des cours de dessin d’après le nu. Comme quelques-unes de ses contemporaines, la jeune peintre semble avoir bénéficié de ces cours privilégiés.
Nourrie d’ambitions artistiques égales à celles des hommes, Auzou peint brillamment la peinture d’histoire et aime s’exercer dans le rendu de portraits en multipliant les esquisses. Tout comme notre dessin, nous connaissons d’autres exemples de la main de l’artiste démontrant des croquis saisis dans l’instant, retravaillés à l’aide de l’estompe et de rehauts de craie ou de pastel dont une partie est laissée volontairement inachevée (ill. 1). C’est le cas de l’étude de jeune garçon accoudé sur son bras droit (ill. 2). Sur une feuille de papier chamois similaire à notre œuvre, Auzou utilise la pierre noire, renforcée de fusain pour tracer les contours de ce visage traité en rondeur reflétant l’innocence juvénile du modèle. Dans une volonté de rendre la vérité de l’expression et la vivacité du regard, elle utilise la craie blanche de façon minutieuse soulignant ainsi les pointes de lumière : une petite pointe rehausse l’arête du nez, d’autres illuminent les pupilles du modèle.
Attentive aux moindres détails, Pauline Auzou transcrit avec une grande acuité la psychologie de ses modèles. Sa virtuosité s’exprime à travers le soin accordé à chaque détail de la composition, allant du traitement des cheveux dessinés un à un, dont le volume est accentué en estompant la matière. Le format de l’œuvre, la qualité et la finesse du traitement rappellent la dextérité de la main cette femme artiste, louée par ses contemporains, exposant au Salon dès 1793 alors qu’elle n’a que 18 ans.
M.O