William Degouve de Nuncques (1867 -1935)

L’Automne

45 x 34 cm

Huile sur toile
Annoté à la plume au verso sur une étiquette sur le châssis en haut à droite N°27 /Automne /360

Provenance :
• France, collection particulière

Bibliographie :
• Luc Haesaerts, William Degouve de Nuncques, Cahiers de Belgique, Bruxelles, 1935
• André de Ridder, William Degouve de Nuncques, Monographies de l’art belge, Elsevier : Ministère de l’instruction publique, Bruxelles, 1957
• Denis Laoureux, Véronique Carpiaux, Evert van Straaten [cat. exp.] William Degouve de Nuncques maître du mystère, Exposition Namur Musée Félicien Rops 2012, Exposition Otterlo Kröller-Müller Museum 2012, Bruxelles : Fonds Mercator

« Les toiles de M. Degouve sont de précieux coffrets fermés qui ne s’ouvrent qu’aux seuls poètes. »

Surnommé « maître du mystère » suite à l’exposition qui lui fut consacrée en 2012 entre Namur et Otterlo, William Degouve de Nuncques compte aujourd’hui parmi les artistes majeurs du cercle des symbolistes belges. Issu d’une noble famille française, le jeune artiste se rapproche des milieux littéraires qui l’inspirent, bien plus que son bref passage dans l’enseignement académique, dont les méthodes de travail ne lui conviennent guère.

« Au mépris de toute discipline, je fus cet élève révolutionnaire qui marche à côté, très distrait, aimant la solitude, les champs, les bois [..] ».

À l’âge de 16 ans, l’artiste fait la connaissance des peintres Jean Toorop et Henry de Groux avec qui il entretient une amitié « profonde et indéfectible ». Henry de Groux le soutiendra par ailleurs tout au long de sa carrière, notamment lorsqu’il sera injustement écarté des cercles d’art et des expositions symbolistes, dont le groupe des XX particulièrement. En 1888 et durant trois années consécutives, Degouve partage avec ce dernier à Bruxelles dans une maison atelier : une installation qui sonne le début d’une carrière florissant. Dès 1895, l’artiste expose à l’international entre Bruxelles, Londres et Paris où il rencontre Félicien Rops. Degouve entreprend de nombreux voyages qui lui permettent de développer son inspiration et ses relations avec les marchands d’art, laissant derrière eux de longues listes d’œuvres permettant de retracer l’abondante production de l’artiste.

La peinture énigmatique de Degouve amène le spectateur à regarder ses œuvres au-delà de leur sujet car elles évoquent le tempérament de cet homme indépendant, solitaire et quelques peu mélancolique. Ses sujets sont calmes, sobres et immobiles (ill. 1). Villages, forêts, lacs et campagnes désertées, c’est la nature en elle-même qui constitue le véritable maître de l’artiste.

« L’essentiel ici c’est que je ne voulus jamais prendre de leçons de peinture ; j’ai marché seul, prenant tout au plus dans une académie vague ce que des modèles de styles pouvaient me donner ; travaillant chez moi et à la campagne j’ai pu acquérir en toute naïveté et plus librement ce que je voulais, incontestablement on arrive ainsi à posséder une technique qui correspond mieux aux sensations perçues, et logiquement personnelle. »

Sous la douce lumière d’un soleil d’hiver, dans un paysage désolé, exempté de toute embellissement académique, apparaissent deux maisons isolées ou abandonnées, peut-être une chaumière ou un corps de ferme. Il s’agit ici de l’illustration de la solitude et du silence, sans personnages ni animaux, la seule vie étant celle des arbres dénudés qui rythment la composition, faisant ainsi place à un sentiment d’étrange et de mystère et à une nouvelle vision contemplative de la nature : « c’était la nature muette et sombre qui me tendait son miroir dans lequel se mirait de la vie émouvante et figée dans la mort. »
L’époque de réalisation de notre œuvre correspond probablement à la période durant laquelle l’artiste se fixe en périphérie bruxelloise : « J’habite maintenant une chaumière, une vraie… en pleine campagne dans un isolement complet […] » . Au-delà du sujet, l’artiste se tourne vers une représentation symbolique de ses émotions que sa peinture lui procure : « […] des arbres droits se répétant à l’infini, les prairies aux verts arides, la tristesse accablante des eaux mornes ou le printemps ne fait éclore que quelques fleurs éphémères, les grands peupliers aux carrefours des chemins frissonnant comme des fantômes. »
Sourd à toute exigence académique, Degouve fait de son œuvre le réceptacle de ses doutes et de ses émotions : une peinture mystérieuse et inquiétante transcendée par de merveilleux effets de lumière. En effet, dans notre œuvre le délicat travail mené sur l’éclairage tamisé par les arbres rend une vibration des formes et des matières propres à l’artiste qui utilise une préparation particulière, mixant ses pigments à une matière cireuse, permettant de retranscrire ici la véracité des éléments, comme l’aspect embrumé et vaporeux de la nature.

Une brume mystérieuse s’est installée autour de cet artiste redécouvert à l’aube du XXIe siècle, aujourd’hui considéré comme l’un des peintres phares de l’âge d’or du symbolisme.
Portraits, foules de personnages, quelques natures mortes, Degouve sera inspiré par tous les genres de la peinture, mais c’est avant tout le paysage qu’il place au premier plan de son œuvre, posant un regard neutre sur la nature qu’il représente systématiquement dans son élégante simplicité.
M.O.

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