Simone PIGNONI (Florence, 1611-1698)

L’Immaculée Conception avec les saints Nicolas, Catherine, Paul, Étienne et les anges musiciens (modello pour le retable de San Niccolò à Florence)

117 x 87 cm

1675.
Huile sur toile

Provenance
· Collection Guy et Christiane de Aldecoa, Paris.

Exposition
· 1989, Charenton-le-Pont, Pavillon Antoine de Navarre, Hôtel de Ville, Le XVIIe siècle en Europe, Peintres du baroque et l’influence de l’Italie, cat. par Giuseppe Cantelli, cat. 15, repr. p. 36-37 (comme Assomption de la Vierge).

Bien que le tableau de l’Immaculée Conception de Simone Pignoni, réalisé pour l’église San Niccolò de Florence, soit aujourd’hui perdu, Rodolfo Maffeis a identifié notre œuvre comme étant le modello de cette peinture grâce à la commande de 1675, qui en détaille les personnages et la composition. Destinée au maître-autel de San Niccolò, l’œuvre devait représenter la Vierge en gloire avec le saint évêque titulaire de l’église et d’autres saints. Son sujet embrassait les préceptes de la Réforme catholique défendant la sainteté de la Vierge avec la réaffirmation, en 1661, par le Pape Alexandre VII, de la naissance immaculée de Marie.

Suivant l’iconographie propre à ce thème qui se développe à l’époque, la Vierge est représentée au centre, enveloppée d’un nimbe et écrasant le croissant de Lune, symbole de corruption. Le lien entre sa naissance sans péché et son rôle de future Mère de Dieu est souligné par sa position : tête baissée, mains croisées sur la poitrine comme équivalent symbolique du Fiat de l’Incarnation, elle montre son assentiment à la volonté divine.

L’ample mouvement déictique de saint Nicolas, accentué par les ondulations de sa chape, attire l’œil vers la Vierge, tandis qu’à l’angle opposé, sainte Catherine, à genoux, la salue dans une position que l’on retrouve dans une autre toile de Simone Pignoni (Sainte Catherine d’Alexandrie, collection particulière). Saint Etienne, tenant l’une des pierres de sa lapidation, et saint Paul, ses épîtres à la main, symbolisent les fondements de l’Église : les martyrs et les théologiens.

Dieu le père, inspiré de Palma le Jeune (par exemple dans La rencontre de saint Joachim et sainte Anne, église San Geremia, Venise), se penche, accompagné par l’Esprit Saint, pour désigner la Vierge. Autour de lui, un vibrant concert céleste prend place, avec les groupes d’anges dans les nuées qui accordent luth et basse, les chanteurs inclinés en avant, et les angelots couleur de nuages faisant la transition entre les registres supérieur et inférieur.

De ses voyages dans le Nord de l’Italie, au contact des écoles de Bologne et de Lombardie, l’artiste a gardé l’usage d’une gamme de couleurs vives renforcée par la lumière ondulante sur les drapés. Simone Pignoni soigne le rendu des tissus précieux, de la délicate transparence du voile de Marie, à la lourde chape épiscopale aux reflets soyeux, et au vêtement damassé de sainte Catherine, similaire à celui de Sainte Dorothée (Simone Pignoni, collection particulière).

Outre le coloris et la matière, l’artiste reprend des modèles présents dans d’autres de ses toiles pour trouver la composition la plus adéquate. Ainsi la sainte Catherine n’est pas sans rappeler la sainte Lucie dans la pala de Castelfranco di Sopra, contemporaine de l’œuvre de San Niccolò. De même, dans la figure de la Vierge, on reconnaît une autre Vierge de Pignoni, la Madone à l’Enfant avec saints François et Barnabé (sacristie de l’église San Niccolò, Florence), œuvre datée de 1670. Le schéma pyramidal de la composition avec Marie et les saints est une forme que l’on trouvait déjà pour la Madone. Cette organisation, renforcée par l’éclairage et animée par les gestes éloquents des personnages, invite les spectateurs à la dévotion.

Élève de Francesco Furini, Pignoni suivit le style du maître tout en cherchant à en rénover les compositions. Sa carrière s’épanouit pleinement après la mort de Furini en 1646. L’exécution très brillante et lumineuse de notre modello de 1675 est représentative de la maturité du peintre.

Les grandes dimensions de l’œuvre nous invitent, néanmoins, à le considérer comme une œuvre autonome, que ne caractérisent déjà plus le format et la technique d’une esquisse. En effet, par la qualité, Pignoni se rapproche ici de ses meilleurs tableaux : du Mariage mystique de sainte Catherine (Lwell, Lulworth Castle, sir Joseph Weld Collection) à la Bethsabée au bain (Prato, Galleria di Palazzo degli Alberti), jusqu’à la paire de toiles avec Rachel et Jacob, Ruth et Booz (Florence, collection particulière) qui, par le format moyen, et les traits des physionomies, sont particulièrement proches de notre peinture. Les éléments stylistiques de ces tableaux font écho à ceux de l’œuvre la plus célèbre de Pignoni, la pala pour l’autel Guicciardini dans Santa Felicita, représentant l’Aumône de saint Louis de France qui fut dévoilée au public le 30 avril 1682.

Ainsi notre toile, rare représentation de la Vierge de l’Immaculée Conception chez Pignoni, est un beau témoignage de la maîtrise picturale de l’artiste florentin.
M.L.M.

Bibliographie de l’œuvre
Francesca BALDASSARI, Simone Pignoni (Firenze 1611-1698), Turin, Artema, 2008, cat 110, p. 164-165.
Christiane DE ALDECOA, « Parcours d’un tableau de Simone Pignoni (Florence 1611-1698) ». Précision : « La Vierge de l’Immaculée Conception avec les saints Nicolas de Bari, Catherine, Paul, Etienne et les anges musiciens », Les Cahiers d’Histoire de l’Art, no 7, 2009, p. 127-128.
Rodolfo MAFFEIS, « Rittrato di Simone Pignoni », Proporzioni, Annali della fondazione Roberto Longhi, V, 2004, p. 87-124, repr. fig. 121.

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