Attribué à Francesco FIDANZA (Rome ?, 1747/1749 – Milan, 1819)

La grotte de Neptune à Tivoli

Huile sur toile

Provenance
France, collection particulière.

On ignore la date exacte et le lieu de naissance – Rome ou Città di Castello – de Francesco Fidanza. Sa première formation se fit sans doute à Rome dans l’atelier de son père, Filippo, ancien élève de Marco Benefial et qui se chargea également de l’apprentissage de ses deux fils cadets, Gregorio et Giuseppe. On a longtemps cru que Francesco put parfaire son éducation artistique chez Joseph Vernet et Charles-François Lacroix de Marseille, mais il ne s’agissait en réalité que d’une simple influence.
Il semble que Fidanza était allé à Naples avant de se rendre à Florence en 1792. Deux paysages d’hiver, dont l’un signé et daté de 1796, subsistent de cette période (collections particulières, Milan et Piacenza). Ce sont les rares peintures certaines de Fidanza qui ne signait qu’exceptionnellement ses toiles. Mais leur style déjà « plus européen qu’italien » (Alloisi, 1993) et certaines particularités de manière les distinguent de l’abondante production de l’époque et fournissent une basse suffisamment solide aux attributions. Ainsi, la touche grasse qui donne à l’ensemble une sensation d’œuvre non finie loin de la facture lisse des paysagistes vénitiens, l’intérêt pour les effets atmosphériques dans un but purement décoratif et non émotionnel, ou encore les petits personnages élancés et peu détaillés du premier plan qui tournent souvent le dos au spectateur.
En 1800, le peintre s’installa à Paris où ses paysages embrumés ou enneigés et ses vues nocturnes rencontrèrent un vif succès. Au Salon de 1801, il présenta trois marines, puis La Neige au Salon de 1804, acquise par le comte de Sommariva pour son hôtel parisien. Admis à la cour de Napoléon, Fidanza gagna la faveur d’Eugène de Beauharnais, vice-roi d’Italie. Il suivit son protecteur à Milan et s’occupa à peindre les « principaux ports du royaume d’Italie » à l’imitation des vues de ports de France commandés à Vernet par Louis XV. À la chute de l’Empire napoléonien en 1814, Fidanza n’avait livré que six tableaux, dont deux seulement sont aujourd’hui identifiés : le Port d’Ancône et le Port de Malamocco la nuit (signés et datés, Milan, Galleria d’Arte Moderna, inv. GAM 435 et 444). D’un caractère dissipé, manquant constamment d’argent malgré sa grande réputation, Fidanza espérait pouvoir ouvrir à Milan une école de paysage, mais se heurta à l’indifférence du vice-roi et de ses successeurs. L’Académie de Brera lui refusa également la chaire de paysage, ce qui ne l’empêcha pas de présenter, en 1818, six paysages de « brouillard et de neige » à l’exposition annuelle de l’académie.

Notre tableau s’inscrit pleinement dans la production habituelle de Fidanza : paysages de format chevalet et sans véritable sujet ni précision topographique destinés à une clientèle de connaisseurs. Des capricci qui s’inspirent des lieux célèbres que l’artiste n’avait pas toujours visités et sont baignés de lumières étranges du soleil traversant un brouillard épais, de la lune prisonnière des nuages, d’un feu déclaré dans un port de pêche ou des rayons rosés et bas du petit matin (ill. 1). Ici, on reconnait immédiatement la grotte de Neptune aux chutes de Tivoli redécouverte par Vernet (ill. 2) et très appréciée des peintres romantiques, mais Fidanza en redessine complètement les contours pour mieux la faire ressembler à une scène de théâtre. Une abondante végétation recouvre les parois de la grotte remplaçant la mousse disgracieuse et le sol devient tel le bord d’un lac avec ses roseaux et souches d’arbres. Comme toujours chez Fidanza, les personnages sont presque tous inactifs et contemplent le spectacle offert par la nature. Le pêcheur abandonne ainsi ses filets pour discuter avec un voyageur philosophe drapé d’une toge rouge (on devine, dessous, deux figures aux postures différentes) et les deux paysannes se reposent en écoutant la mandoline.

La cascade est le centre du tableau et sa raison d’être, avec ses jeux de lumière enchanteurs entre ombres profondes et denses et la lueur blanche qui semble surgir de nulle part pour illuminer les chutes d’eau plus puissantes et dispersées qu’en réalité et la brume épaisse et opaque qu’elles font naître. Contrairement aux cascades des paysages classiques toutes en filets d’eau ondoyant avec grâce sur les rochers escarpés, l’eau est ici rendue par des touches précipitées, mousseuses, larges, dans un contraste étonnant avec les pierres de la grotte aux reflets dorés traités en masses étalées. À l’opposé de Vernet qui avait largement troué les parois pour faire apparaître le ciel et le lointain (ill. 2), il n’y a ici aucune trouée bleue, aucune ouverture dans ses rochers sombres et menaçants, seulement la nature majestueuse qu’un petit baigneur au centre de la toile craint d’approcher. C’est là un capriccio d’un artiste talentueux et tourmenté que ses contemporains étonnés décrivaient comme un « homme gros mal habillé […] qui semble manquer de tous ces signes qui caractérisent le génie d’un artiste remarquable ». Mais aussi une œuvre exceptionnelle à l’équidistance entre le paysage classique et le romantisme.

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