Pio JORIS (Rome, 1843 - 1921)

Portrait d’une femme orientale de profil gauche

61 x 41 cm

Circa 1890.
Huile sur toile.
Signé P.Joris Roma

Provenance

Chili, collection particulière.

Œuvre en rapport

Une eau-forte en contrepartie fut tirée par l’artiste (Giovane donna in costume di profilo, 17 x 120 cm, vente Finarte, Milan, 16 janvier 1982, lot 97).

Originaire de la région de Trente, Pio Joris a grandi à Rome auprès d’un père antiquaire et grand amateur d’art. La maison de la famille Joris abritait l’atelier d’un peintre napolitain, à qui le jeune garçon dut son goût pour le paysage, et son choix d’embrasser le métier d’artiste. Pio Joris n’avait que douze ans quand il intégra l’Institut des Beaux-arts dépendant de l’Académie de Saint-Luc ; il s’y illustra en remportant chaque année plusieurs premiers prix, avant de fréquenter un an l’Académie, en 1861. Cette même année, le jeune homme séjourna à Florence avec son père. La visite de l’Exposition internationale florentine fut une révélation. Il fut séduit par Morelli, Palizzi ou De Nittis. A son retour à Rome, décidé à redoubler de travail, il s’engagea dans l’atelier d’Achille Vertunni, auprès duquel il acquit une précieuse expérience. En 1866, il séjourna à Naples en compagnie du maître, peignit Capri et la côte sorrentine, expérience fondatrice dans sa vie d’artiste. L’année suivante, cet homme jovial et expansif, d’une affabilité teintée d’ironie, installait son premier atelier Via Flaminia.

Habile et fécond, Pio Joris ne négligea aucune technique, et affronta tous les genres. Il fut le peintre de la douceur romaine, des scènes pittoresques saisies au détour des rues ; les paysannes en costumes traditionnels côtoient les lavandières ou les processions religieuses de dévotion populaire. Paysagiste aux accents impressionnistes, il réalisa d’innombrables vues de la campagne italienne, autour de Rome, Naples ou Venise.

Dès les années 1870, les envois de Joris dans les expositions étrangères lui assurèrent une notoriété internationale durable. Grâce à l’entremise de Mariano Fortuny, qu’il admirait, il fut lié au marchand d’art Alphonse Goupil par contrat entre 1868 et 1875. Après une médaille d’or à l’Exposition internationale de Munich en 1869, on le trouva en Espagne, à Londres, Berlin, Saint-Pétersbourg, ou encore au Salon de Paris, où il fut souvent primé. En 1900, à l’Exposition Universelle de Paris, l’artiste reçut conjointement une médaille d’or et la Légion d’Honneur.

Sous le pinceau de Pio Joris, la grâce féminine s’incarne chez des femmes du peuple, paysannes ou lavandières, au gré de portraits délicats ou de charmantes silhouettes en pied, parées de leurs costumes traditionnels. Joris tint de sa mère, couturière de son état, un goût prononcé pour les vêtements, les étoffes, les matières. Il a portraituré ici une jeune femme du Maroc, qui pose gravement, en buste et de profil, à la manière des monnaies antiques ou des portraits de la Renaissance florentine. Le peintre aime cette disposition, qu’il utilise par exemple dans la Figura di Donna (huile sur carton, 28 x 22 cm, collection particulière).

Tendu à l’arrière-plan, un velours violet indigo tient lieu de décor. Les traits délicats sont ceux d’une toute jeune femme, saisie dans une expression mystérieusement retenue. Ses cheveux noirs sont rassemblés en arrière et coiffés d’un foulard rouge brodé d’argent et orné d’un gros gland. Une riche parure traditionnelle garnie de pièces d’or et de perles rouges ceint la tête de la jeune femme ; ses longs liens de soie rose s’entremêlent aux cheveux et retombent en pompons de fil d’argent sur l’épaule. Une veste en damassé bleu, à motif végétaux, se ferme par un laçage sur le corsage blanc. Une ceinture multicolore, des colliers d’or et de perles de corail, et des boucles d’oreilles en or estampé complètent la tenue d’un grand raffinement. Étrange détail, ses mains sont serrées autour d’un poignard, dont on distingue la poignée d’argent et le fourreau rouge à la chappe ouvragée.

Orientaux et gitans ont parfois traversé l’œuvre de Pio Joris, à l’instar du fier portrait d’Ottoman (aquarelle sur papier, 35,6 x 24,1 cm, collection particulière), ou de l’énigmatique figure d’une femme orientale aux yeux baissés (huile sur toile, 45,5 x 30,5 cm). Loin des scènes de genre croquées à l’aquarelle, ce sont des portraits d’atelier savamment composés, parvenant, comme ici, à réunir avec bonheur la beauté formelle de l’image, et le mystère d’une identité qui ne se dévoile qu’à peine.
M.B.

Bibliographie générale (œuvre inédite)

Pier Andrea DE ROSA, Paolo Emilio TRASTULLI (dir.), La campagna romana da Hackert a Balla, cat. exp., Rome, Museo del Corso, 2001, p. 259-260.

Egidio Marie ELEUTERI, La memoria di una città. Roma e il suo Agro nella pittura dell’Ottocento, Rome, edizioni Millenium, 2001, p. 180.

Angiola CANEVARI, Giulia FUSCONI, « Pio Joris (1843-1921). Un pittore di Roma capitale tra Napoli e Parigi », Bollettino d’arte, 107, 1999, p. 37-68.

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