57 x 44 cm
Huile sur toile en grisaille, esquisse
Après s’être formé auprès de Jean Restout, Jean-Baptiste Deshays obtint le Prix de Rome en 1751, dans l’atelier de François Boucher. A son retour d’Italie, en 1758, il devenait son gendre. Succession artistique et familiale s’allient, et l’on imagine aisément combien le travail de son aîné put influer sur celui de Deshays, même s’ils déclinèrent des sujets souvent différents.
Notre œuvre est représentative d’un art rocaille vivant et décoratif, dont Boucher fut l’un des maîtres, et que Deshays illustra avec non moins de brio, malgré la brièveté de sa carrière. On peut ainsi mettre en lien notre peinture avec les deux Recueils de Fontaines de Boucher, gravés et publiés par Huquier en 1736 et 1738. Ils comprenaient chacun sept dessins ; Huquier les dispersa lors d’une vente aux enchères en 1771. Boucher y agençait des compositions foisonnantes de vie, dans lesquelles le motif de la fontaine est prétexte au déploiement de coquilles sur lesquels les eaux ruissellent, parmi un enchevêtrement de naïades, dauphins, tritons et putti.
Familier des esquisses en grisaille, Deshays offre ici encore une touche vigoureuse et énergique, plus contrastée que celle de Boucher, au service d’une composition en mouvement. La fontaine est formée d’un socle dont l’eau s’échappe par un masque de grotesque. Elle ruisselle sur une coquille soutenue par trois tritons, avant de ressurgir du bec d’un cygne au long cou incurvé. Deux putti s’ébattent dans la coquille. On peut déceler dans ce travail l’influence d’artistes italiens comme le Bernin ou Borromini, dont Deshays dut voir et dessiner les fontaines à Rome entre 1754 et 1757.
Deshays travaille ici par contraste de valeurs, mariant le blanc et la terre d’ombre naturelle. La préparation rouge, perceptible, confère à ses ombres une tonalité chaude. L’artiste ne s’attarde pas à distinguer précisément les formes ; l’aspect allusif des motifs privilégie une lecture d’ensemble, et en souligne l’effet décoratif. Les figures en torsion des tritons, noueuses, musculeuses, évoquent celles de l’esquisse pour le Cadavre d’Hector exposé sur les rives du Scamandre (non loc.). Les deux putti se retrouvent par exemple dans le ciel du Pygmalion voyant sa statue animée (Musée des Beaux-Arts de Tours) ; leur disposition, jouant dans la vasque, cite directement certaines planches des Recueils de Fontaines de Boucher.
Si l’on ne connaît pas aujourd’hui d’autres dessins de fontaines chez Deshays, les sources anciennes attestent leur existence. On trouve ainsi un « projet de Fontaine » à la plume et lavis de bistre dans la vente après décès de l’artiste, le 26 mars 1765, et une fontaine « d’une touche hardie à la plume et au bistre » dans la vente Lebrun du 23 décembre 1771 (lots 21 & 22).
Provenance :
France Collection particulière
Bibliographie
A. BANCEL, Jean-Baptiste Deshays (1729-1765), Paris : Arthena, 2008
A. LAING, Les dessins de François Boucher, catalogue d’exposition, New-York, Londres, Paris : Scala, 2003, n° 79
M. SANDOZ, Jean-Baptiste Deshays, 1729-176), Paris : Éditart-Quatre chemins, 1977