Charles-François Grenier de Lacroix dit LACROIX DE MARSEILLE (Marseille, vers 1700 – Berlin, 1782)

Charles-François Grenier de Lacroix dit Lacroix de Marseille est un peintre de marines qui jouit d’une grande réputation de son vivant. Inspiré par le fameux Claude-Joseph Vernet dont il est l’élève à Rome sous le nom de « Della Croce », Lacroix trouve sa propre clientèle en apportant une grande préciosité à ses œuvres, lui permettant ainsi de prolonger son séjour italien où il restera une vingtaine d’années, bien que les dates exactes restent à définir.

C’est à Naples, la capitale du royaume des Deux-Siciles, que Lacroix de Marseille trouve sa plus grande inspiration : la baie est un excellent exercice pour les paysagistes. La vue nous offre ici un spectaculaire panorama de la ville et du Vésuve, sublime objet de fascination depuis son éruption et ses conséquences tragiques à Herculanum et Pompéi en 79 de notre ère.
Au-delà de la représentation de la mer que Lacroix aimait et connaissait particulièrement bien, les côtes de Naples sont systématiquement animées de personnages rythmant habilement la composition par quelques taches de couleurs. Dans un schéma habituel, l’artiste les place au premier plan affairés à leur tâche, ne se souciant pas de l’extraordinaire spectacle qui s’offre à leurs yeux.
Une poésie émane naturellement de son travail, qu’il s’agisse d’une représentation de nuit, de jour ou comme ici, d’une fin de journée baignant l’ensemble de la baie dans la chaleureuse lumière orangée d’un coucher de soleil. L’aspect calme et paisible de cette image est contrebalancé par la spectaculaire éruption en arrière-plan, aussi effrayante que grandiose.
Lacroix de Marseille fait partie de ces artistes paysagistes dont le souci du détail l’invite à intégrer le Vésuve comme sujet principal de ses compositions de grands formats : le volcan ferme la composition et clôt le champ visuel. Toujours changeant, il est également un formidable exercice de plein air et un défi constant pour le peintre. « Les nuages de l’orage passant avec vitesse sur la colonne de feu, et quelquefois la cachant totalement, ou en partie, et d’autres la laissant voir dans toute sa splendeur, les teintes différentes produites par la réflexion de la lumière sur les nuages blancs (…). » Destinées à la clientèle touristique du Grand Tour, de nombreux artistes représentèrent ainsi le Vésuve comme définition de l’identité napolitaine.
Le Vésuve entra en éruption trois années après la création de notre tableau, en 1766. On peut aisément penser que Lacroix de Marseille se trouvait encore à Naples cette année-là puisqu’il date une autre toile représentant également le volcan en 1767 (ill. 1). La plupart des œuvres de l’artiste parvenues jusqu’à nous représentant ce spectacle naturel furent prises de nuit (ill. 2), cette vue constitue ainsi un rare témoignage d’une éruption en plein jour.
Regorgeant de détails, notre tableau fait preuve d’une grande qualité artistique conjuguée à une rigueur de représentation presque scientifique. D’une grande clarté et lisibilité, l’éloquence coloriste de Lacroix lui permet de retranscrire avec fidélité l’image qui s’offre à lui : le volcan crachant une fumée ardente et les coulées de lave qui s’en échappent. Au-delà du volcan qui capte l’attention du spectateur, l’artiste gratifie également la mer de son plus bel éclat, reflétant harmonieusement les silhouettes des navires.

Parmi les nombreux peintres de marine du XVIIIe siècle, il nous faut laisser une place de choix à Charles-François Grenier de Lacroix pour la remarquable qualité et vivacité de son pinceau que son mentor Joseph Vernet lui reconnaissait : quelques œuvres signées du maître émanent en réalité de l’habile pinceau de son élève.
« L’éruption du lendemain fut sûrement plus formidable et alarmante, mais celle-ci étoit d’une beauté et d’un sublime que l’imagination même la plus fertile ne saurait se peindre » : l’artiste releva ce défi à plusieurs reprises en dépeignant la sublime tragédie de l’éruption du Vésuve, précieux document historique pour les chercheurs actuels.

M.O.

Provenance :
• France, collection particulière.