Hyacinthe RIGAUD (Perpignan, 1659 – Paris, 1743)

Portrait d’homme à la cape de velours rouge

7,5 x 5,5 cm

Vers 1685-90
Miniature à l’huile et rehauts de gouache blanche sur carte à jouer cartonnée

Provenance :
• France, collection particulière
Bibliographie :
• Stéphan Perreau, Hyacinthe Rigaud : 1659-1743 : catalogue concis de l’oeuvre, Nouvelles Presses du Languedoc, Sète, 2013
• Ariane James-Sarazin, Hyacinthe Rigaud 1659-1743, Thèse de doctorat Histoire de l’art Paris, École pratique des hautes études, Éditions Faton, Paris, 2008

Le fameux peintre français Hyacinthe Rigaud naquit pourtant espagnol, dans ce qui était alors la Catalogne du Nord. En 1659, Perpignan est encore sous domination espagnole avant d’être rattachée quelques mois plus tard au royaume de France par le Traité des Pyrénées, instaurant la paix entre les deux monarchies. Il est le fils d’un maître tailleur, ce qui déclencha probablement le goût de cet artiste précoce pour les étoffes et leur rendu sensible qui formeront, dans son oeuvre, sa marque distinctive.

En quittant les Pyrénées, le jeune Rigaud entre en apprentissage en Languedoc à Montpellier en 1673 où il rejoint l’atelier du peintre Antoine Ranc (1634-1716) qui lui enseigne les techniques de la peinture flamande à travers l’oeuvre d’Antoine van Dyck (1599-1641), dont il fera grand usage. Nommé Premier peintre puis directeur de l’Académie royale de peinture et de sculpture, l’évolution de la carrière du catalan est aussi spectaculaire que fulgurante. Une fabuleuse réussite louée pour la virtuosité avec laquelle il rend ses portraits, un genre pourtant encore considéré comme mineur par les théories d’André Félibien (1619-1695). En Europe, il est le peintre de prédilection des élites : il domine la production des portraits du Grand Siècle et plus encore jusqu’à la première moitié du XVIIIe siècle.

Parmi les heures consacrées aux grands formats d’apparat, tableaux de chevalets et dessins, Rigaud s’intéressa à l’art de la miniature quelques temps après son arrivée à Paris en 1681. Récemment, la découverte de manuscrits issus du fonds de l’historien Jaubert de Passa, acquis par le département des Pyrénées-Orientales et étudiés par la spécialiste de l’artiste Ariane James-Sarazin, ont permis de dévoiler l’existence d’un petit carnet ayant appartenu à Rigaud. On y découvre que l’artiste travaillait vraisemblablement à la rédaction de son propre traité de miniature inspiré par quelques extraits, conservés dans ce même carnet, du traité de son aîné le miniaturiste Claude Boutet titré « Traité de mignature pour apprendre aisément à peindre sans maistre, avec le secret de faire les plus belles couleurs, l’or bruny et l’or coquille » (1672).

Notre oeuvre est un formidable exemple de cette étroite production, faisant écho à quelques témoignages connus de l’artiste dont un autoportrait et un portrait d’homme récemment ajouté au supplément du catalogue raisonné de son oeuvre. Dans une oeuvre de format n’excédant pas les 7,5 centimètres de hauteur, l’artiste présente un modèle masculin en buste, les épaules tournées vers la droite dont le visage pris de face fixe le regard vers le peintre. La simplicité de la pose et cadrage serré sont deux composants récurrents chez Rigaud. La physionomie du modèle, demeurant à ce jour anonyme, s’exprime par la douceur pénétrante du regard réhaussé d’un léger sourire esquissé. L’homme est vêtu d’une large cape de velours d’un rouge éclatant doublée de soie aux brocarts d’or, de laquelle s’échappe une cravate de dentelle élégamment nouée. Sa perruque peu élevée et recentrée sur le visage ainsi que les plis soigneusement ordonnés et légèrement géométrisés de la cape plaident pour une oeuvre datant de la fin des années 1680.

Le traitement des étoffes et soieries marquent la facture rigaudienne. Une habile utilisation de rehauts de blanc permet de rendre d’une part la poudre de la perruque retombée sur l’épaule et d’autre part la brillance de l’épais velours rouge, tandis que le brocart d’or est finement traité à l’huile. La figure se détache d’un fond uni entre un vert cuivré et un brun brossé, permettant de concentrer l’attention du spectateur sur les traits du visage : des yeux en amande aux épais sourcils, sans oublier de rendre la moustache rasée du modèle. Enfin, l’ingéniosité de sa main fixe de minutieux détails tels que la pointe de lumière sur l’arête du nez ou encore de l’ombre finement tracée des pommettes rosées.

Hyacinthe Rigaud fit du portrait le rival de la peinture d’histoire. Entre François de Troy (1645-1730) et Nicolas de Largillierre (1656-1746), l’artiste trouve sa reconnaissance dans l’excellence de la représentation du portrait peint, particulièrement masculin, à l’instar de Largillierre, peintre de la physionomie féminine. Avec plus de 2700 toiles produites, Hyacinthe Rigaud fut l’un des plus importants portraitistes de son temps.

Parmi ces portraits de cour, d’apparat, intimes, en négligé (amateurs, collectionneurs, artistes), familiaux ou historiés, le génie rigaudien s’exprima également dans l’art de la miniature.

M.O.

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