H. 43 cm
1902-1910
Bronze à patine brune nuancée, fonte à cire perdue
Signé à l’arrière DALOU Sclp Susse Freres Edts cachet de fondeur
Cartouche sur la base : à Edouard NADOT LA CLASSE DU CONSERVATOIRE 1919
Numéroté M
Provenance :
Collection Édouard Nadaud (1862-1928), Paris, puis par descendance.
Fils d’un ouvrier gantier, Aimé Jules Dalou fut remarqué très jeune par Jean-Baptiste Carpeaux, qui l’engagea en 1852 à intégrer la Petite École, et suivit attentivement sa formation. Deux ans plus tard, Dalou
rejoignit l’atelier de Duret à l’École des Beaux-Arts, mais continua sa vie durant de considérer Carpeaux comme
son maître. Le jeune sculpteur souffrit de l’enseignement académique des Beaux-Arts qu’il délaissa rapidement. Il
devait, quelques trente années plus tard, refuser le poste de professeur qu’on lui y proposait.
Les débuts de cet homme sensible, doutant de lui, furent laborieux. Après quatre échecs au prix de
Rome (1861 à 1865), il s’adonna pour vivre à la sculpture décorative, réalisant des modèles pour un fabricant de
bronze commercial, puis travaillant pour les orfèvres Favière et le décorateur Lefèvre. Il réalisa d’importants
travaux décoratifs pour l’Hôtel de la marquise de Païva puis l’Hôtel Menier. Jules Dalou connut un premier
succès au Salon de 1870 avec une Brodeuse. La guerre franco-allemande de 1870 mit fin à sa jeune carrière
officielle.
Très attaché à la République, le sculpteur s’engagea aussitôt dans l’armée, puis prend une part active à la
Commune, nommé par Gustave Courbet curateur au Palais du Louvre. Poursuivi pour ses actions dans Paris
assiégé, l’artiste s’exila en Angleterre où il fut chaleureusement accueilli. Il revint en 1880, après avoir été amnistié
par le président Jules Grévy. Dès lors, le succès de Dalou alla croissant, assorti de médailles au Salon et de très
nombreuses commandes privées et publiques dont Le Triomphe de la République commandé par la municipalité de
Paris pour l’actuelle Place de la Nation.
L’inauguration en 1889 du modèle en plâtre de ce monument suscita chez Dalou le désir d’élever un
monument à la glorification des travailleurs. Tout à son projet, le sculpteur multipliait des esquisses prises sur
nature sur les chantiers à Paris et lors de ses voyages, suivies par des terres cuites, d’abord études de figures
isolées travaillées d’après modèle professionnel, puis maquettes de l’ensemble. En attendant de trouver une
solution qui puisse pleinement le satisfaire, l’artiste ne divulguait son entreprise à personne : aussi, refusa-t-il de
participer, avec Rodin, à la création d’un monument aux travailleurs imaginé par Armand Dayot, inspecteur des
Beaux-Arts, pour l’Exposition universelle de 1900.
De ce projet jamais concrétisé subsistent de nombreux dessins et études dont le Grand Paysan qui, seul,
évolua jusqu’à devenir une oeuvre indépendante. On peut aujourd’hui retracer le cheminement de la pensée du
sculpteur grâce aux terres cuites et plâtres légués par sa fille au Petit Palais. Ce sont des esquisses rapidement
modelées en terre à la recherche d’un bon geste, puis des études plus poussées représentant le paysan nu ou vêtu
et qui s’agrandissent peu à peu. Trop grande pour être cuite, l’oeuvre est ensuite reprise en plâtre, puis en terre
moulée et de nouveau en plâtre. Le Grand Paysan est exposé au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts de
1902, en hommage au sculpteur qui venait de mourir. Afin d’assurer les moyens de subsistance à sa fille, les
exécuteurs testamentaires de Dalou organisèrent une édition à grandeur en bronze et en grès, ainsi qu’en
réduction à diverses grandeurs : le Grand Paysan apparaît dans le contrat passé avec le fondeur Susse frères le 30
juin 1902.
A.Z.
Bibliographie de l’oeuvre :
Amélie SIMIER et Marine KISIEL, Jules Dalou, le sculpteur de la République.
Catalogue des sculptures de Jules Dalou conservées au Petit
Palais, Paris, Musées, 2013, cat. 235 (plâtre original).
Bibliographie générale :
Maurice DREYFOUS, Dalou, sa vie et son oeuvre, Paris, Laurens, 1903.
Stanislas LAMI, Dictionnaire des sculpteurs de l’école française au XIXe siècle, Paris, 1914, t. II.
- Pierre KJELLBERG, Les Bronzes du XIXe siècle. Dictionnaire des sculpteurs, Paris, 1989.