Mères et enfants sur le quai du port d’Ostende (1910)

Léon SPILLIAERT

Mères et enfants sur le quai du port d’Ostende (1910)

Crayon gras et crayon sur papier
50,2 x 32,2 cm
Signé « L. Spilliaert » en bas à droite

Provenance :

Louis Sneyers, Bruxelles
Monsieur et Madame Marcel Thomas, Bruxelles (par descendance)
Henriette Thomas-Bodart, Bruxelles (par descendance)
Collection Onzea-Govaerts, Belgique (acquis par l’intermédiaire de la Galerie Ronny Van de Velde en 1997)

Bibliographie :

Helen Bieri Thomson (dir.), Léon Spilliaert. Vertiges et visions, Paris, Editions d’art Somogy, 2002
Anne Adriaens-Pannier, Spilliaert : Le regard de l’âme, Bertrams, 2006
Anne Adriaens-Pannier et Leïla Jarbouai (dir.), Léon Spilliaert : Lumière et solitude, catalogue publié à l’occasion de l’exposition du même nom aux musées d’Orsay et de l’Orangerie, du 19 février 2020 au 20 septembre 2020, Paris, éditions du Musée d’Orsay, 2020

Expositions :

Bruxelles, Palais des Beaux-Arts, 41e Foire des Antiquaires de Belgique, janvier-février 1996.
Bruxelles, Palais des Beaux-Arts, 42e Foire des Antiquaires de Belgique, janvier-février 1997.

Peintre, dessinateur, illustrateur et lithographe, Léon Spilliaert semblait destiné à une carrière artistique.
Il grandit dans un environnement créatif : son oncle Émile Spilliaert était un peintre reconnu, tandis que son père, coiffeur-parfumeur, fournissait la cour de Belgique.
Passionné de philosophie, Léon se plonge dans les œuvres de Nietzsche et Schopenhauer, et s’instruit également à travers les écrits de Maurice Maeterlinck. Très tôt, il manifeste un intérêt marqué pour le dessin, qu’il perfectionne brièvement à l’académie de Bruges à l’âge de 18 ans, formation qu’il doit interrompre en raison de sa santé fragile. En 1902, il décroche son premier emploi chez l’éditeur bruxellois Edmond Deman, pour lequel il réalise des illustrations destinées à des livres rares.

Il se reconnaît dans le milieu des artistes symbolistes belges et se lie d’amitié avec des figures telles qu’Émile Verhaeren, dont il illustre plusieurs publications, ainsi que Camille Lemonnier et Fernand Crommelynck. Son œuvre reste profondément ancrée dans la vie d’Ostende, sa ville natale, où il passe la majeure partie de son existence. Il travaille à Bruxelles entre 1917 et 1921, retourne ensuite à Ostende, puis s’installe définitivement à Bruxelles à partir de 1935 où il s’éteindra en 1946.

La plupart de ses œuvres sont datées, comme pour marquer une continuité dans sa production. La première, réalisée en 1899, coïncide avec sa brève formation à l’académie de Bruges. Sa période initiale est dominée par la mélancolie et la solitude, exprimées à travers de vastes espaces vides — plages ou étendues parfois poussées jusqu’à l’abstraction — qui invitent le spectateur à un questionnement intérieur. Imprégnées d’interrogations métaphysiques, ses œuvres de jeunesse, proches de l’esprit symboliste, évoquent à la fois l’univers de Fernand Khnopff et celui d’Edvard Munch, tout en reflétant également une affinité avec James Ensor.

« La mer pour moi est un enchantement (…). Tout m’apparaît à nouveau neuf, extraordinaire, fantastique. »

Il introduit progressivement davantage de couleurs et resserre le cadrage de ses compositions. Ces couleurs dissipent progressivement l’encre noire de la solitude et de la mélancolie caractéristiques de ses premières œuvres. Sur des scènes de port, motif récurrent de son travail, femmes, enfants et un chien apparaissent près de l’eau et des bateaux amarrés, probablement ici sur le port d’Ostende au bord de la mer du Nord. Même lorsqu’elle n’occupe qu’un rôle secondaire, la mer reste un thème central dans une grande partie de son œuvre.
Le premier plan est consacré aux figures, qui prennent progressivement une place plus importante dans son travail, en particulier les femmes et familles de pêcheurs (ill. 1). Spilliaert y mêle la simplicité d’un quotidien à un symbolisme aux accents oniriques : les silhouettes, d’abord cernées, puis colorées illustrent un instant de vie paisible, la modestie d’une heureuse famille.

La singularité de Spilliaert réside dans sa prédilection pour le papier, support sur lequel il a produit la majeure partie de son œuvre, explorant avec maîtrise l’encre, le pastel et les crayons de couleur. Dans ses dessins, il superpose les traits de crayon gras par strates, créant des textures délicates et des nuances subtiles. Après son mariage en 1916, Spilliaert se consacre à sa famille et gagne en sérénité, une évolution perceptible dans ses créations. Le choix du crayon de couleur n’est pas anodin : il permet d’insuffler vie et vibrance à ses compositions. Véritable artiste de la lumière, Spilliaert sculpte l’ombre et la clarté avec une sensibilité exceptionnelle, conférant à ses œuvres une profondeur et une intensité qui semblent palpiter sous le regard du spectateur. Parfois décrit comme expressionniste, symboliste ou surréaliste, Spilliaert est un artiste d’une créativité remarquable, dont l’œuvre ne se laisse enfermer dans aucun style unique.

Nous remercions Madame Anne Adriaens-Pannier, spécialiste de l’artiste, d’avoir confirmé l’authenticité de notre dessin qui sera intégré dans le catalogue raisonné en préparation sur l’artiste.

M.O