Vue de Paris depuis les berges de Seine du quai Malaquais, découvrant le (…)
Vue de Paris depuis les berges de Seine du quai Malaquais, découvrant le (…)
ElleII2
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Frank Myers BOGGS

Vue de Paris depuis les berges de Seine du quai Malaquais, découvrant le pont des Arts et l’Institut de France

Huile sur sa toile d’origine
Signé et localisé Frank Boggs Paris en bas à gauche
60 x 72,5 cm

Provenance :

France, collection particulière

« De ce passé, qui nulle part n’est si pittoresque qu’en France, Boggs, avec une piété attendrie, s’est fait l’historien par l’image. »

Né dans l’Ohio, de l’autre côté de l’Atlantique, Frank Myers Boggs choisit de rejoindre la France à l’âge de 21 ans. Séduit par la modernité des impressionnistes, il puise son inspiration à Paris où il intègre dès son arrivée l’École des Beaux-Arts dans l’atelier de Jean-Léon Gérôme. Sur les conseils avisés de son maître, Boggs quitte rapidement l’atelier pour peindre sur le motif. L’évolution du matériel et des modes de transport permettent en effet à une génération d’artistes, à partir des années 1830 de sortir de l’atelier. À partir du milieu du siècle, les artistes se tournent vers la côte normande. Boggs ne déroge pas à la règle, à Dieppe en 1877, il découvre l’air et les variations atmosphériques de ces terres qui nourrissent sa palette. Contrairement à nombreux de ses contemporains, le côté mondain ne l’intéresse guère, il s’adonne ainsi à la représentation de scènes de port, marines et scènes animées qui forment ses premiers succès.
Après deux années passées aux Etats-Unis, Boggs revient s’établir à Paris en 1880. Désireux de mettre toutes les chances de son côté pour faire connaître son œuvre, il expose dans plusieurs capitales artistiques, notamment à Paris et à Londres, tout en envoyant régulièrement ses toiles à l’Académie de Pennsylvanie. L’année 1882 marque un tournant décisif dans sa carrière : l’État français acquiert alors
La Place de la Bastille (Musée franco-américain du château de Blérancourt, inv. FNAC 274). En 1886, son tableau Barque de pêche, à Trouville est à son tour acheté par le musée de Nantes (inv. 821).

Lors de ses nombreux séjours en Europe, Boggs s’imprègne de l’œuvre de ses contemporains, parmi lesquels celle du peintre néerlandais Johan Barthold Jongkind (1819-1891) se révèle particulièrement marquante. De Jongkind il s’inspire du dessin, de Guillemet un goût certain pour les camaïeux, de Manet il retient les volumes traités en aplats. Peintre de l’impression, il développe sa propre manière dans une touche légère et éclatante synthétisant l’ensemble des influences reçues jusqu’à lors. Des années 1890 jusqu’au tournant du siècle, le peintre travaille sans relâche, fasciné par les berges de la Seine qu’il représente à de multiples reprises. Notre tableau doit être daté de cette dernière décennie.

L’expérience de la peinture d’après nature permet l’exaltation des sens, de la lumière et des couleurs dans leur forme la plus pure. Le cadrage de cette œuvre témoigne d’une étude approfondie des abords de l’Institut de France. Boggs y représente les berges de la Seine depuis le quai des Tuileries ou le quai de Conti dans lesquelles le Pont des Arts occupe une position centrale (ill. 1 & 2). Réalisé en fonte au début du XIXᵉ siècle, le Pont des Arts témoigne des avancées techniques de la Révolution industrielle, sources d’admiration pour les artistes romantiques, puis pour les impressionnistes sensibles à la modernité urbaine.

La toile est un formidable support de méditation. Ces vues de Seine sont empreintes d’une volonté de transmettre la vérité, sans artifice. Sa profonde sensibilité à la lumière, conjuguée à un souci constant de lisibilité, témoigne à la fois de l’influence des maîtres qu’il admire et de sa démarche personnelle visant à rendre les perspectives urbaines telles qu’elles se présentent à son regard. Il affectionne particulièrement les tons gris-bleutés et ocres, hérités de l’œuvre de Jongkind et de Boudin qui permettent de rendre la transparence, les reflets de l’eau et la fluidité de l’air. D’une part il fragmente la touche en aplats légers et brisés afin de restituer la vibration des éléments ; d’autre part, il applique de très fines couches de peinture à la manière de glacis, suggérant le volume, tout en tirant parti de la réserve de la préparation de la toile.

Bien que le musée de Boston conserve une Houle à Honfleur primée à New York en 1885, Boggs connaîtra un succès plus marqué en France qu’aux États-Unis. Dès 1903, son talent est reconnu par la critique et bénéficie du soutien du marchand d’art Hector Brame ; en mars de la même année, ses œuvres sont présentées chez Paul Durand-Ruel. Artiste libre et inspiré par son maître Gérôme dont il se détache pourtant rapidement en expérimentant le champ situé entre le réalisme et l’impressionnisme.

M.O