Attribué à Louis-Eugène LARIVIÈRE (Paris, 1801 – 1823)

Académie d’homme au bras levé

58.6 X 43.7 cm

Circa 1820. Crayon noir, fusain, lavis gris et estompe

D’une grande puissance plastique et d’une réalisation particulièrement soignée, notre feuille dépasse le cadre étroit d’une simple étude d’anatomie pour transformer ce personnage dénudé en une image historique ou mythologique : un Romulus, un Thésée ou bien un David tels que les néoclassiques les imaginaient. Au lieu d’un arrière-plan neutre, au mieux juste hachuré, notre modèle a pour environnement des rochers escarpés et un chêne brisé dont le feuillage protège la pudeur. Le visage, à la limite entre un antique et une figure réaliste, exprime la détermination mêlée de douleur. Le torse sculptural et les cheveux bouclés, coiffés à la mode appréciée par les jeunes hommes de la Restauration, sont rendus avec beaucoup de vérité par des traits courts et raides, souvent croisés. La figure se découpe dans une lumière forte qui crée des ombres moelleuses, avec un clair-obscur admirablement distribué.
La qualité indéniable de notre dessin, l’influence palpable de l’art d’Anne-Louis Girodet-Trioson, la confiance d’une main instruite, la leçon des Torses dessinés et peints par les grands maîtres du temps de leur apprentissage à l’École des Beaux-Arts (on pense notamment au Torse ou demi-figure d’Ingres, Paris, ENSB-A, inv. Torse 15), l’audace propre à la jeunesse en font rechercher l’auteur parmi les élèves de Girodet. Il nous semble donc judicieux de suggérer un rapprochement avec le corpus encore à reconstituer d’Eugène Larivière, artiste prometteur trop tôt disparu.

Né à Paris le 13 Frimaire an IX (4 décembre 1800), Louis-Eugène Larivière fut le deuxième fils du peintre André Philippe Larivière et le petit fils de Charles Lepeintre, peintre du duc d’Orléans. Trois ans séparaient Eugène de son aîné, Charles-Philippe, né en 1798. Les deux garçons manifestant des dispositions à la peinture, leur père les plaça chez Girodet qui les présenta à l’École spéciale des Beaux-Arts : Charles-Philippe en 1813 et Eugène en février 1816.

Les deux frères appartiennent à la seconde génération des élèves de Girodet, entrés à l’École entre 1813 et 1824, parmi lesquels Alexandre-Marie Colin, Elzidor Naigeon, Éloi Firmin Féron, Louis Lacaze, Charles-Auguste Van den Berghe ou Achille Devéria. Les visages de ces jeunes artistes sont connus grâce à la lithographie de Colin, Portrait de groupe de trente-deux élèves de Girodet. Sur l’exemplaire conservé à Amiens, une écriture signale les visages des deux frères Larivière, représentés côte à côte en haut à gauche. On conserve également les portraits d’Eugène par Charles-Philippe datant de 1811 et de 1823.

Suivant les pas de son frère aîné, Eugène participa comme élève de Girodet au concours de composition historique de 1821, désigné dans les procès-verbaux comme « Larivière le Jeune ». Classé treizième, il ne passa pas le second essai, mais fut remarqué et, comme peintre, exempté du service militaire. Malheureusement, la maladie l’empêcha de concourir de nouveau en 1823 et finit par l’emporter prématurément à l’âge de vingt-deux ans. Son frère, meurtri, se retira du concours. Il revint en 1824 et obtint le premier prix.

On conserve d’Eugène quelques portraits de famille : celui, plein de candeur, de sa sœur Paméla-Eugénie conservé au Louvre, un autre de son frère Edmond Larivière et un Autoportrait, ces derniers au musée de Picardie à Amiens (inv. 1869-245 et 247). Les œuvres proviennent de la collection du peintre Albert Maignan, neveu par alliance de l’artiste qui fit don au musée d’Amiens d’un fonds d’atelier des frères Larivière. On y trouve quelques Académies d’homme réalisées par Eugène et qui montrent des affinités avec notre dessin. L’une d’entre elles est annotée au verso Eugène Larivière. 18 août 1817 et contresignée par Pierre-Narcisse Guérin qui corrigeait ce jour-là les exercices des élèves des Beaux-Arts. Une autre Académie, datée de 1818, est réapparue il y a une vingtaine d’années sur le marché de l’art. Plus tardives et plus proches encore de notre feuille, quelques études anatomiques demeurent en mains privées.
A.Z.

Bibliographie générale (œuvre inédite)
Isabelle Lodde, Charles Philippe Larivière, peintre. Sa vie, son œuvre. 1798-1876, thèse de doctorat, Université Paris IV-Sorbonne, 2005.

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