Anto CARTE (Mons 1886 – Ixelles 1954)

Dessin préparatoire pour la couverture de la revue "Flamberge" (n°11, Mars 1913)

Pierre noire, aquarelle et rehauts de gouache. Signé en bas à droite.

Fils d’un ébéniste montois d’origine bourguignonne, Antoine Carte fut mis très jeune en apprentissage chez un peintre-décorateur. Par le monde de l’artisanat dans lequel il évoluait, le jeune artiste s’initia avec enthousiasme à la diversité des techniques de création. Il fit ses premières armes dès quinze ans avec des affiches de théâtre. Poursuivant ses études à l’Académie des Beaux-Arts de Mons puis à celle de Bruxelles, celui qui signe désormais Anto Carte rejoignit l’atelier de Léon Bakst à Paris dans les années 1910 – 1912. Il partagea pendant deux ans cette atmosphère d’émulation nouée autour des ballets russes de Diaghilev : la vigueur colorée qui animait ces créations ressurgit dans certaines des peintures d’un homme qui dessinait beaucoup, et demeura surtout attaché à la ligne.
Anto Carte multiplia au cours de sa vie toutes sortes de projets – de la peinture à la lithographie et des timbres-postes aux vitraux. Il continua également à créer des décors et costumes, et en assura un temps l’enseignement à l’Académie de la Cambre, à la demande de Van de Velde. Il dirigea ensuite, à partir de 1932, les ateliers décoratifs de l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles.
On a parfois voulu voir en ce montois jovial le chantre d’une peinture wallonne ; cette personnalité complexe, à la fois solitaire et très attachée à ses amis, avait notamment participé à la fondation du groupe Nervia, lieu d’entraide et d’amitié plus qu’occasion d’un quelconque manifeste. Ne pouvant en réalité être rattaché à aucune Ecole, l’artiste s’avère – selon les termes de Pauline Andrea à l’occasion de l’exposition Mons-Vienne (1980) – le « témoin gênant d’une peinture inclassable ». Il n’est pas l’homme de l’avant-garde ni de l’innovation formelle, et se tient aussi bien en retrait des expressionnistes flamands que du cubisme ou du surréalisme qu’il avait côtoyés. Celui qui se disait « fils spirituel de Bruegel » est peut-être plus proche du Symbolisme, goût qu’il partage avec son cher ami le poète Emile Verhaeren. C’est par l’illustration de ses poèmes, exposée en 1917, qu’il se fit connaître et aimer du public bruxellois. Anto Carte aima avant tout représenter l’homme, mais plus que la passion, c’est le recueillement qui anime ses travailleurs ou ses jeunes femmes, à la manière d’un Maurice Denis ou d’un Puvis de Chavannes.

Notre projet orne la couverture d’un numéro de la revue Flamberge consacré à Romain Rolland, dans lequel on retrouve les plumes de Stefan Zweig, Verhaeren ou encore Debussy. L’œuvre est empreinte d’une dimension allégorique précieuse à celui qui, derrière une allure chaleureuse, était animé d’une intériorité mélancolique voire mystique. Sur un fond neutre, trois hommes à cheval portent la lyre, le glaive, la torche – les instruments d’un hommage à l’inspiration de l’écrivain. Des volutes d’écume ou de fumée enveloppent le groupe, évoquant la verve de la création.
Ce dessin est un bel exemple du génie formel d’Anto Carte. On reprocha à l’artiste son talent de « décorateur » ou sa qualité d’ « imagier ». C’est en effet la ligne, fluide et ferme, qui construit la composition avec un sens aigu de la mise en page. Le métier est précis, le trait élégant circonscrit les silhouettes que la couleur souligne. Plus sobre que dans ses premières affiches, dégagées de l’accumulation des symboles, l’œuvre gagne en puissance. On y retrouve la simplicité des primitifs italiens – l’intériorité d’un Fra Angelico, où le monumental d’un Mantegna. Les chevaux évoquent les batailles d’Ucello, qu’Anto Carte découvrit lors d’un voyage à Florence en 1925. Un même motif de chevaux – alors ailés – orne le projet de l’avers d’un billet de 1000 francs qu’il dessina en 1925.

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