28,5 x 20 cm
Pastel sur papier bleu préparé
Longtemps donnée à Nicolas Vleughels, nous proposons de rendre cette étude à l’œuvre de Philippe Mercier, peintre de la même génération, dont la vie et l’œuvre demeurent peu documentées.
Originaire du Saint-Empire, Philippe Mercier est issu d’une famille de huguenots qui avait quitté la France lors de la Révocation de l’Édit de Nantes en 1685. D’après les informations fournies par Horace Walpole , le jeune artiste débute sa formation à l’Académie des arts de Berlin sous la direction du célèbre Antoine Pesne (1683-1757), peintre officiel des Cours allemandes et du roi de Prusse. Il visite l’Italie puis la France où il rencontre à Paris Antoine Watteau, ami de Pesne, reconnu l’inventeur de la fête galante et l’un de ses plus éminents représentants, qui marquera profondément la production de Mercier.
« (…) Plusieurs des Watteau que conserve l’Angleterre et qui sont parfois fort suspects, pourraient être des Mercier. »
De retour en Allemagne, le peintre reçoit la commande du portrait de Frédéric de Galles, fils du roi Georges II, qu’il suivra à Londres en 1716 en tant que premier peintre du prince héritier.
En Angleterre, Philippe Mercier connaît succès considérable. Il est choisi pour peindre plusieurs membres de la famille du roi et plus largement de l’élite britannique portant en haute estime ses conversation pieces, portraits mondains exempts de tout artifice, représentant sur une même toile une famille ou un groupe d’individus en quête de reconnaissance. En 1720, il retrouve Watteau dans le quartier surnommé « la petite France », où s’installent les peintres français. Sa production témoigne alors d’une profonde admiration pour l’ingéniosité de celui qu’il considère comme son maître. De ce fait, la paternité de leurs œuvres a pu parfois être confondue, réduisant ainsi considérablement le corpus de l’œuvre de Mercier.
Une fois sa réputation établie, il entreprend un tour d’Europe en visitant l’Irlande, l’Espagne, et le Portugal avant de revenir à Londres finir sa carrière. Entre sa formation allemande, son apprentissage français et sa carrière anglaise, son œuvre est un savant mélange nourri de diverses influences et de rencontres, une production hybride au sein de laquelle l’artiste parvient à exprimer sa propre identité.
Ces doigts effilés et empreints d’une infime légèreté ont presque valeur de signature dans l’œuvre de Mercier. La représentation de la main demeure un exercice périlleux auxquels de nombreux artistes ont évité de se confronter. Comme en témoigne notre étude, Mercier attache une grande importance à cette partie du corps qui lui permet ainsi d’exprimer sa virtuosité. Elles ne sont pas simplement des détails, l’artiste leur confère systématiquement une place essentielle dans chacune de ses œuvres, particulièrement dans les portraits féminins qu’il gratifie systématiquement de formats à mi-corps, plus onéreux que les portraits en buste (ill. 1).
Elles sont sensuelles, délicates et précieuses. Selon la position des doigts, les mains traduisent une grâce et un charme propre à chaque modèle. Notre pastel présente deux études d’avant-bras, dont une manche de robe est esquissée. La qualité d’exécution de notre œuvre implique une réflexion pour une composition plus ambitieuse : en effet, elle est préparatoire à l’œuvre peinte titrée L’Odorat (ill. 2) issue d’une série représentant les 5 sens . Dans notre œuvre, l’étude du bras droit tient dans sa main quelques fleurs, symbole de charme et d’élégance féminine, que l’on retrouve dans d’autres portraits de sa main (ill. 3), traduite ici grâce à l’utilisation du pastel permettant de retranscrire les chairs roses et d’en estomper les contours, apportant grâce et volupté à l’ensemble. La position des doigts reflète la distinction du modèle, levant l’auriculaire et pinçant délicatement les tiges. La seconde main semble posée sur un support de tissu. Dans la version peinte, le peintre adapte son dessin au reste de sa composition, la position des doigts varie ainsi légèrement. Proche de la couronne anglaise, cet artiste d’origine allemande ayant voyagé autour de l’Europe parvient à établir sa réputation aux côtés des plus brillants peintres de sa génération.
Peintre, dessinateur, Mercier fut aussi graveur. D’après Monsieur Jules Strauss (1861-1943), banquier et collectionneur passionné par l’œuvre de l’artiste, la plupart de ses gravures, longtemps considérées comme réalisées d’après des œuvres de Watteau, seraient en réalité tirées de compositions originales de Mercier lui-même. Le British Museum conserve aujourd’hui la plus grande partie de ses œuvres gravées.
M.O