Michel CORNEILLE le Jeune (Paris, 1642 - 1708)

Hercule portant le taureau de Crète à l’autel

24.6 x 13.1 cm

Sanguine sur traits de pierre noire
Porte une signature à la pierre noire C.Le Brun en bas à droite

Provenance :
• France, collection particulière

Bibliographie :
• Brejon De Lavergnée, Barbara, « Les Corneille entre le père (vers 1603-1664) et le fils (1642-1708) », in Nouvelles de l’estampe, 2011, (235), p.6-13

Élève de son père Michel Corneille l’Ancien, Michel Corneille le Jeune (ou L’Aîné) est formé à l’exercice de la peinture dès son plus jeune âge, tout comme son frère cadet Jean Baptiste Corneille (1649-1695) quelques années plus tard. Reconnu très tôt pour ses dons artistiques, il reçoit les enseignements des peintres les plus fameux du royaume dont Charles Le Brun (Paris, 1619-1690) peintre du roi, et de son principal rival, Pierre Mignard (Troyes, 1612 – Paris, 1695).
Lauréat d’un prix créé par l’Académie, Michel le Jeune gagne l’Italie en 1659 où il copie assidument l’œuvre des maîtres anciens. Son enseignement se poursuit à Bologne lorsqu’il rejoint l’Accademia degli Incamminati fondée par les Carrache. Le refus de l’artifice maniériste et le retour aux formes antiques comme références suprêmes de l’art inspirent le jeune artiste qui prône lui aussi désormais l’importance du dessin comme moyen de synthèse entre le réel observé et l’idéal recherché.
À son retour à Paris en 1663, Michel le Jeune n’a que 21 ans. Il est reçu avec les honneurs à l’Académie, où il sera par ailleurs nommé professeur en 1690. Salué par ses contemporains, il est appelé par le roi pour travailler à Meudon, Fontainebleau et Versailles tout en profitant de la protection de Louvois et de ses nombreuses commandes dont quelques modèles de tapisserie pour la manufacture des Gobelins.

L’expérience italienne permet à l’artiste de développer un langage plus personnel. Formidable dessinateur, Michel Corneille le Jeune laisse derrière lui une production graphique d’une haute qualité d’exécution. De son goût pour l’antiquité, Michel Corneille réalise un grand nombre d’études tirées de la mythologie grecque, dont notre dessin est un merveilleux exemple. L’iconographie de notre œuvre se réfère vraisemblablement au septième des Douze Travaux d’Hercule. Imposé par Eurysthée, Hercule reçoit l’ordre de dompter un taureau incontrôlable lâché par le dieu Poséidon en colère contre Minos, le roi de Crète. La mythologie raconte qu’après avoir capturé le taureau, Hercule aurait soulevé l’animal par les cornes puis chargé sur son dos afin de l’apporter à l’autel où il devait être sacrifié. Ce sujet semble tout à fait convaincant au regard des thèmes sélectionnés par l’artiste, dans lesquels la mythologie occupe une place prépondérante, placée par l’Académie au rang de la peinture d’histoire.

Le ton historique de notre dessin, exigé par le sujet, est traduit par un répertoire iconographique antique du décor à travers la colonne en arrière-plan et l’autel au premier plan. Bien que l’anatomie du canon antique ne soit pas tout à fait respectée dans la plupart de ses figures (ill. 1) et que la contorsion du corps semble souvent difficile à tenir, ces caractéristiques sont le symbole d’une signature proprement française, et du plein épanouissement de l’artiste. Parmi ses nombreuses études, le traitement de la chevelure et des barbes faites d’épaisses boucles semble tiré de l’observation de l’œuvre paternelle, tout comme le drapé enveloppant la taille du personnage formant des plis lourds, presque sculpturaux, caractéristiques de la période tardive du père. Chez Michel le Jeune, le dessin est rigoureux, riche d’une étude poussée sur le rendu des chairs, tracées à la sanguine (ill. 1). La musculature du héros est rendue puissante par un jeu de hachures utilisé dans la plupart des études de corps masculins de l’artiste dont l’œuvre Guerrier antique assis, profil à gauche conservée à l’École des Beaux-Arts de Paris (ill. 2).

Travailleur infatigable, Michel Corneille le Jeune meurt en 1708 dans son environnement de travail, à la manufacture des Gobelins, ce qui lui valut le surnom de Corneille des Gobelins. Longtemps resté dans l’orbite de son maître, l’artiste aura souffert de la célébrité de Charles Le Brun et la paternité de leurs œuvres fut ainsi souvent confondue. Certaines signatures apocryphes mentionnant C. Le Brun, comme apposée en bas à droite de notre dessin, ont pu fausser les expertises et réduire considérablement le corpus de l’œuvre de l’artiste. Nous proposons de rendre ce dessin à cet admirable artiste éclipsé pendant longtemps entre la production paternelle et les influences de ses maîtres.

M.O

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