James TISSOT (Nantes, 1836 - Chenecey-Buillon, 1902)

Le soldat blessé

35,3 x 25,2 cm

Circa 1870. Aquarelle.

Provenance
• Collection de l’artiste, puis sa descendance, château de Buillon, Doubs.
• Vente succession de Mademoiselle Tissot, nièce du peintre, Besançon, Mes Charles et Paul Renoud-Grappin, 15 novembre 1964, lot ° 62.
• France, collection particulière.

La guerre qui opposa la France à l’alliance prussienne, entre août 1870 et janvier 1871, marqua profondément le peuple français meurtri par la dureté des combats, et humilié par les conditions de la défaite. Le conflit demeura durablement présent dans l’œuvre des écrivains, peintres et sculpteurs, à travers des travaux célébrant les héros sacrifiés, ou exaltant le sentiment national, à l’instar du Siège de Paris (Musée d’Orsay, vers 1884, huile sur toile) d’Ernest Meissonier ou de L’Espérance (Musée d’Orsay, 1871-1872, huile sur toile) de Pierre Puvis de Chavannes.
Engagé dans la Garde Nationale, James Tissot compta parmi ces artistes qui participèrent activement aux combats, et en tirèrent matière pour leur art. Arrivé à Paris en 1856 pour étudier la peinture à l’École des Beaux-arts, Jacques-Joseph Tissot – qui prit alors le nom de James – se forma sous la direction d’Hippolyte Flandrin et de Louis Lamothe. Il exposa au Salon dès 1859, et à la Royal Academy de Londres à partir de 1864.

En 1870, Tissot combattit sur le front qui s’étendait près de Malmaison-La Jonchère. C’est à cette époque qu’il se lia d’amitié avec Thomas Gibson Bowles, correspondant en France du Morning Post londonien. En raison de son engagement dans la Commune, ou peut-être dans le désir de trouver un marché plus porteur, Tissot quitta Paris pour Londres en 1871. Là, le peintre publia une série d’illustrations de la guerre franco-prussienne dans l’ouvrage de Bowles Defence of Paris. Narrated as it was seen. Entre 1875 et 1878, l’artiste tira également une série d’eaux-fortes d’après les dessins, aquarelles et huiles qu’il avait exécutés pendant la guerre. Rassemblées sous le titre de Souvenir du siège de Paris, elles portent des noms évocateurs comme Le premier homme tué que j’ai vu .

Tissot se plut à dépeindre les coulisses du combat franco-prussien, et notamment les ambulances. De nombreux bâtiments publics parisiens avaient été réquisitionnés pour accueillir les soldats blessés, comme le rappelle l’eau-forte Le foyer de la Comédie française pendant le siège de Paris. Peut-être est-ce à la Comédie française, si l’on en juge l’élégant décor de boiseries rehaussées d’or, que Tissot peignit le portrait de notre soldat blessé.

Alangui sur son lit de camp, le bras retenu en écharpe, le jeune soldat arbore un visage séduisant aux rondeurs encore poupines, mais dont le teint fiévreux, le demi-sourire mélancolique et le regard vague accusent la dureté de la guerre. Fils d’un marchand d’étoffes et d’une modiste, Tissot attachait une grande importance aux tissus et aux costumes – la postérité le retiendra comme peintre de la vie mondaine et des jolies toilettes. L’artiste révèle ici sa maîtrise parfaite de l’aquarelle ; une palette nuancée de noirs rehaussés d’or et de rouge dessine l’uniforme du soldat et ses grandes bottes de cuir plissées. La composition est savamment construite : dans une harmonie de tons sourds, les boiseries de l’arrière-plan et le lit recouvert d’une couverture et d’un manteau de soldat dessinent un cadre de choix à ce portrait informel.

Après la mort de sa maîtresse et son retour en France en 1882, James Tissot transformé par une expérience mystique consacra la fin de sa carrière à la réalisation de peintures religieuses, et illustra la Bible par plusieurs centaines d’aquarelles. Le peintre finit sa vie à l’écart du monde dans son château de Buillon, demeure jurassienne dont il avait héritée de son père. Notre aquarelle, qui était restée en sa possession, fut conservée à Buillon par ses descendants jusqu’à la dispersion des collections de la famille, en 1964.

Bibliographie
Cyrille SCIAMA, James Tissot et ses maîtres, catalogue d’exposition, Musée des Beaux-arts de Nantes, Paris, Somogy, 2005.
Cyrille SCIAMA, James Tissot, catalogue d’exposition, Rome, Chiostro del Bramante, Milan, 2015.
Nancy Rose MARSHALL, Malcolm WARNER, James Tissot : Victorian life, modern love, Londres et New Haven, Yale University Press, 1999.

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