Nicolas LAGNEAU (Ecole française, c. 1590 – c. 1666)

« Tête de vieillard »

Pastel noir estompé et rehauts de sanguine

On ne sait presque rien de la vie de Lagneau, que l’on ne trouve dans aucun des premiers ouvrages de référence sur l’art du XVIIe siècle, tels Les Noms des peintres les plus célèbres de Félibien (1679) ou l’Abecedario de Mariette. La recherche a depuis largement débattu sur ce portraitiste mystérieux, probablement actif à Paris. On s’accorde à situer sa naissance à la fin du XVIe siècle ; d’après les costumes que revêtent ses modèles, sa période d’activité s’étendit jusqu’au début du règne de Louis XIV. Si l’on a parfois regroupé plusieurs maîtres sous le nom de Lagneau (exposition ENSBA, 1994-1995), les recherches les plus récentes se sont attachées à dissocier un unique Lagneau des copies qui lui furent largement attribuées (exposition Musée Condé, 2005). Lagneau – ou Lanneau – n’est d’ailleurs peut-être qu’un sobriquet, comme le suggère Maxime Préaud dans le catalogue de l’exposition de Chantilly. Quant au prénom qu’on y accole communément, il fut déduit d’un « N. » précédant son nom sur un ancien catalogue.

La première mention d’un « Lagneau » est le fait de Michel de Marolles, dès 1672, dans son Livre des peintres. Parmi l’important ensemble d’estampes, dessins et manuscrits que vendit ce collectionneur érudit au roi en 1677, figurait un album de portraits de la main de l’artiste (Bibliothèque Nationale). Au XVIIIe siècle, on trouvait ses œuvres, souvent regroupées en albums, dans les plus grandes collections, de Crozat et Tessin à Catherine II de Russie ou Saxe-Teschen. Deux siècles plus tard, Philippe de Chennevières sera parmi les premiers à remettre l’artiste à l’honneur.

Dans le panorama artistique de la première moitié du XVIIe siècle, Lagneau fait figure d’original, et son œuvre dessiné, qui s’élève aujourd’hui à près de trois cent cinquante feuilles, interpelle. L’artiste, à une exception près, semble avoir échappé à la gravure, ce qui concourut certainement à sa méconnaissance.
Lagneau semble avoir été attiré par la physiognomonie, et ses portraits tendent parfois à la caricature. Mais il se distingue également, comme dans notre œuvre, par des portraits personnels campés avec une sensibilité aiguisée. On est alors loin du portrait de cour, tel qu’il avait été initié par Clouet. Plus proches de certaines figures de genre de l’école du Nord, Lagneau puise ses modèles dans la vie quotidienne ; ses types sont empruntés « au tiers état et à la petite noblesse campagnarde », écrivait Lavallée (1948). Il préfère les figures masculines, et par-dessus tout les hommes âgés.

Notre portrait rassemble les caractéristiques de la manière de Lagneau, qui utilise le pastel, selon une technique connexe aux trois crayons. Il présente un vieil homme barbu, le front dégarni encadré de cheveux bouclés retombant sur les épaules. Le nez est épaté et les pommettes saillantes. Les traits sont marqués par l’âge, que Lagneau ne cherche jamais à dissimuler : rides et cernes sont dressés sans complaisance. L’artiste se distingue ainsi des portraitistes de son temps, comme d’un Dumonstier aux figures plus flatteuses.
Notre dessin se rattache aux portraits les plus sensibles de Lagneau. Rien d’outré ici : l’expression du vieil homme est intense. L’acuité psychologique se concentre dans les yeux, qui ne regardent pas le spectateur, mais sont comme absorbés, entre mélancolie et tendresse. On retrouve ainsi le modelé et l’expression qui font la qualité du Portrait d’homme à longue barbe en buste de l’ENSBA, ou la finesse du Vieillard barbu de face aux cheveux ébouriffés du Musée Condé.

Provenance :
Collection particulière
Bibliographie
- M. PREAUD, B. BREJON [et al.], Lagneau, catalogue d’exposition au Musée Condé, Chantilly, Paris : Somogy, 2005
- E. BRUGEROLLES, D. GUILLET, Le dessin en France au XVIe siècle : dessins et miniatures des collections de l’Ecole des beaux-arts, catalogue d’exposition, ENSBA, Fogg Art Museum, Metropolitan Museum, Paris : ENSBA, 1994
- L. ROUSSEAU, « Lagneau ou Nicolas Lagneau, de Verneuil », in Gazette des Beaux-arts, n°1370,

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