Charles-Antoine COYPEL (Paris, 1694 - 1752)

L’Enfant Jésus dans son berceau

37,5 x 45,4 cm

Circa 1740
Pastel et pierre noire sur papier bleu marouflé sur toile.

Provenance :
France, collection particulière.

Bibliographie :
Thierry LEFRANÇOIS, Charles Coypel, peintre du roi (1694-1752), Paris, Arthena, 1994, p. 313, no P.199 (comme disparu).

Œuvres en rapport
-  Version autographe dans une collection particulière, 36 x 45 cm (vente Londres, Sotheby’s, 7 juillet 1999, lot 211 ; puis vente Lombrail-Teycquam, 3 novembre 1999, lot 109).
-  Réplique autographe mentionnée dans l’inventaire après décès de Jean Valade, élève de Coypel, dressé le 17 décembre 1787 (no 19, prisé 19 livres avec d’autres œuvres, voir Marie-Hélène Trope, Jean Valade « Peintre ordinaire du Roi ». 1710-1787, cat. d’exposition, Poitiers, 1993, p. 151).
-  Gravé par Gaspard Duchange en 1748.
-  Réplique peinte, attribuée à l’atelier de Coypel, 36,8 x 48,9 cm, collection particulière (vente Sotheby’s, New York, 23 mai 2001, lot 117 ; puis Paris, Tajan, 18 décembre 2002, lot 39).

Le 7 septembre 1748, samedi, lors de la séance ordinaire de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture, Gaspard Duchange, « graveur et conseiller, âgé de quatre-vingt-sept ans, présente deux épreuves d’une planche par lui gravée d’après M. Coypel, dont le sujet est l’Enfant Jésus au berceau : laquelle planche est mise sous le privilège de l’Académie . » Le rédacteur anonyme et contemporain du Catalogue manuscrit de l’œuvre gravé de et d’après Ch. Coypel précise que ce fut l’ultime œuvre du fameux graveur qui « demanda par grace à M. Coypel de lui laisser terminer sa carrière par ce morceau d’une précieuse exécution, parce que disoit-il, mon burin a débuté par un ouvrage de m. votre père et que je veux finir par [illisible] vous ». La planche fut présentée au Salon de 1748 avec la notice suivante : « Par M. Duchange, Conseiller de l’Académie. Un Morceau gravé, représentant Jésus au Berceau ; d’après un Pastel de M. Coypel, Ecuyer, Premier Peintre du Roy, Directeur de l’Académie ».
Longtemps considéré comme perdu, le pastel de Coypel réapparut un court moment sur le marché en 1999 (ill. 1). La belle œuvre indubitablement autographe était de forme ovale et de composition en contrepartie de l’estampe. Elle apparaissait comme un aboutissement d’une réflexion personnelle de Charles-Antoine Coypel sur l’iconographie polysémique du Sommeil de l’Enfant Jésus.
Fils et élève d’Antoine Coypel (1661-1722), Charles-Antoine mena une carrière académique brillante consacrée en 1747 par sa nomination comme Premier peintre du roi et directeur de l’Académie, charges qu’occupait déjà son père. C’est vers 1725, d’après la première des deux dates apposées sur le Sommeil de l’Enfant Jésus conservé au musée municipal de Cholet que ce thème l’intéressa. Il y revint à plusieurs reprises jusqu’au début des années 1740, notamment pour la peinture réalisée pour son oncle maternel en 1732, puis dans La Vierge à l’Enfant (collection particulière) et dans la grande toile « presque quarrée » représentant L’Enfant Jésus au berceau exposée au Salon de 1743 (no 2 du livret, non localisée) . Pour la forme du berceau qui isole l’enfant du monde et la pose de la Vierge, Coypel s’inspira de la Sainte Famille dite également Vierge au berceau de Rubens (Florence, Galleria Palatina), l’un des tableaux les plus célèbres du grand artiste. D’autre part, la figure du grand enfant blond gagné par le sommeil lui vint du Sommeil de l’Enfant Jésus de Charles Le Brun (Paris, musée du Louvre), peintre qu’il admirait le plus. Enfin, le gros oreiller aux multiples plis qui permet de redresser très naturellement le corps de l’enfant, le grand drapé semblable à un rideau de théâtre (deuxième passion de Coypel qui fut également dramaturge), et surtout la petite croix posée à même le berceau tel un jouet appartiennent sans doute à l’artiste lui-même.
La redécouverte de notre pastel permet de poser la question du tableau présenté au Salon de 1743. Car s’il est évident que l’estampe de Duchange s’appuie sur le pastel vendu en 1999 et dont il existe également une version peinte trop crispée pour être autographe, plusieurs détails n’autorisent pas de voir dans notre œuvre une simple réplique. Certes, la pose gracieuse de Jésus élaborée dans les peintures antérieures est exactement la même, tout comme les plissements des draps qui font ressembler le berceau à un nuage et l’osier tressé. Mais le lourd rideau dépasse de l’ovale qui par là cesse d’être une bordure. Il est décrit comme un large encadrement feint d’un bleu intense, celui de l’habit de la France rendant grâce au ciel pour la guérison de Louis XIV (pastel daté de 1744, Louvre, DAG, inv. RF 31.419).
De tons plus froids que le deuxième pastel, mais aussi plus spectaculaire et théâtrale, notre œuvre pourrait être plus fidèle à la peinture du Salon. Les fins traits à la pierre noire qui soulignent les principaux contours du dessin auraient alors pour but d’en faciliter la reprise. Ils ne troublent en rien la délicatesse du modelé ni la virtuosité du métier qui est celle d’un grand pastelliste que fut Coypel. On y retrouve également son attrait pour la couleur que ce soit dans les transitions exquises, dans les carnations, entre les teintes claires et rosées, l’utilisation experte du bleu du papier qui transparaît par endroits ou la juxtaposition audacieuse du bleu lapis et du rouge amarante qui s’épandent en reflets sur les draps et l’osier doré.

A.Z.

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