Jacques DE LESTIN (Troyes 1597 – 1661)

« La déposition du Christ »

Huile sur cuivre

Réalisé par Jacques de Lestin, notre tableau peut être regardé à la lumière de l’œuvre de Simon Vouet. Lestin reprend en effet fidèlement la composition d’une Déposition, gravée en 1639 d’après Vouet par Pierre Daret. L’observation de notre cuivre permet ainsi de dégager les influences, mais aussi l’originalité de l’artiste troyen.
L’art de Simon Vouet influença profondément les générations de peintres français actifs dans la première moitié du XVIIe siècle. Les liens du maître avec Jacques de Lestin furent toutefois plus complexes et plus nuancés qu’on l’a souvent écrit. Les deux artistes se rencontrèrent à Rome, fait confirmé par les Stati d’anime, qui nous apprennent que Jacques de Lestin y demeurait entre Pâques 1622 et Pâques 1625. Si Vouet n’a alors pas d’atelier ni d’élèves, on retrouvera maintes fois des citations de son travail italien dans la peinture de Lestin.
Jacques de Lestin rentra ensuite directement à Troyes, où se déroulera sa carrière. Dans ce foyer artistique brillant, berceau des frères Mignard, de Jean Boulanger ou de Nicolas Cochin, Lestin bénéficia rapidement de nombreuses commandes religieuses et profanes. Ses liens avec les ordres religieux l’amenèrent en outre à travailler hors de sa ville natale, comme à Nevers ou Orléans.
Entre 1634 et 1639, on trouve ainsi Lestin à Paris où il semble jouir d’appuis solides. C’est à lui qu’est confiée, en 1636, l’exécution du May de Notre-Dame. Félibien, dans ses entretiens, renseigne de l’Estain comme « ayant travaillé sous Vouet » ; il fut certainement actif à cette époque sur les grands chantiers parisiens du maître.

L’une des versions de la Déposition du Christ de Vouet est conservée en l’église de Chilly-Mazarin. Elle lui avait été commandée par l’abbé d’Effiat, prieur commanditaire de l’abbaye de Saint-Eloi, en souvenir d’un miracle survenu àChilly. Daret grava la composition en contrepartie, en 1639 et dont on en connaît de nombreuses répliques peintes.
Jacques de Lestin réalisa probablement son tableau d’après la gravure ; dans un format en hauteur, la scène se déploie sur fond de paysage. Conformément à sa manière, le peintre accentue ici la dynamique en contre-plongée de l’œuvre originale. Devant le tombeau, le Christ mort est assis au pied de la Vierge éplorée, soutenue par deux femmes. Marie-Madeleine retient la main du Christ, contre sa chevelure. Derrière le tombeau, deux disciples, probablement Saint Pierre et Saint Jean, manifestent également leur douleur.

Le travail sur cuivre confère un aspect précieux et élégant à une œuvre certainement destinée à la dévotion privée. La peinture n’est pas celle d’un débutant, mais plutôt la réalisation par un artiste confirmé et en pleine maturité, comme Lestin l’était au tournant des années 1630 et 1640. Les visages, notamment, sont d’une expressivité différente de celle de la gravure ; on retrouve dans leur modelé la manière qui est celle de Lestin. Par ailleurs les mains, et particulièrement les doigts pointus et fuselés des personnages, sont une caractéristique de la manière de l’artiste troyen. Il se présente enfin comme un maître de la couleur, savamment répartie au service de la composition, cela soulignant cependant la dependance dont il etait encore emprunt de l’oeuvre de son Maitre Simon Vouet. A la blancheur des chairs répond la finesse des vêtements de la Vierge, bleus et rouges, ou de Marie-Madeleine, verts et jaunes. Le traitement de la lumière accompagne ce chromatisme, laissant dans l’ombre le visage du Christ, modelant celui de la Vierge, et éclairant ceux des deux jeunes femmes.
On peut comparer notre œuvre aux trois autres Dépositions de croix connues de l’artiste (Troyes, Hôtel Dieu, Eglise Saint-Martin, Eglise Saint-Rémi). Si on y retrouve des proximités formelles ou stylistiques, elles attestent également combien Jacques de Lestin sut se renouveler, en proposant pour un même sujet des interprétations sans cesse différentes. Par ailleurs les mêmes raisons nous obligent à citer L’adoration des Bergers (1635/1640) de de Lestin conservé en l’église Notre Dame Bonne Nouvelle à Paris.

Bibliographie :
- J.-P. SAINTE-MARIE, préface J. THUILLIER, Jacques de Létin : Troyes, 1597-1661, catalogue d’exposition, Troyes : Musée des beaux-arts, 1976

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