Giovan Mauro DELLA ROVERE dit Il Fiamminghino (Fiammenghino) (Milan 1575 – 1640 Milan)

Marie Madeleine en extase

119 x 93,5 cm

Circa 1610.
Huile sur toile.
Annoté au revers de la toile à la peinture noire C:J

Provenance
· France, collection particulière

Depuis toujours, le Milanais, et surtout les régions autour du lac de Côme, est un territoire d’échange et un passage obligé entre la Suisse, la France, la Savoie, l’Autriche et les terres italiennes d’Émilie ou de Vénétie. Un temps sous domination française, puis gouverné par les Sforza, il échut à l’Espagne après le traité du Cateau-Cambrésis en 1559. La présence espagnole et la position centrale de la Lombardie y firent venir, dès avant la fin du XVIe siècle, un grand nombre d’artisans et d’artistes flamands dont un certain Roux d’Emes d’Anvers , dont le nom fut italianisé en « Della Rovere ». Surnommés les Fiamminghini bien que nés à Milan, ses deux fils devinrent peintres : Giovan Battista et Giovan Mauro, son cadet de quatorze ans.

Giovan Mauro fut formé dans le milieu maniériste milanais de Giovanni Paolo Lomazzo et d’Ambrogio Figino, mais surtout par son frère qu’il assista dès 1588 à Varallo, pour les fresques de plusieurs chapelles de Sacro Monte. En 1593, il s’occupa déjà seul des peintures de la chapelle de la Vierge au couvent franciscain de Santa Maria di Sabbioncello à Merate. En effet, c’est surtout la partie de son activité liée aux commandes religieuses que nous connaissons le mieux, qu’il s’agisse de fresques ou de tableaux.

Son style narratif et exubérant, avec un coloris clair et raffiné, mises en scène dynamiques et gestuelle grandiloquente, dans le sillage de Giovanni Battista Crespi et Giulio Procaccini, répondait parfaitement aux exigences de l’Église post-Tridentine, lui attirant de nombreuses commandes dans les régions en proie aux conflits opposant catholiques et protestants, autour du lac de Côme notamment. Le Fiamminghino, parfois en collaboration avec son frère, œuvra ainsi dans les églises et monastères de Milan, mais aussi Varese, Montemezzo, Novara, Peglio, Chiaravalle ou Chiari, et fut sollicité par les confraternités nouvellement constituées, notamment celles dédiées au Saint Sacrement et à la Vierge du Rosaire.

C’est l’historienne de l’art Mina Gregori, spécialiste notamment de l’œuvre de Pier Francesco Mazzuccheli dit Morazzone, qui fut la première à attribuer notre tableau à Fiamminghino. En effet, sa manière très personnelle y est aisément reconnaissable, bien qu’il ne s’agisse ici que d’un tableau de chevalet et non d’une grande fresque ou retable d’église, soit les œuvres qui composent aujourd’hui l’essentiel du corpus de l’artiste. La pose de la Madeleine apparaît ici comme recomposée à partir de celles de Saint François dans La Tentation de Saint François et dans Saint François renonçant aux biens de son père peints vers 1610 pour Santa Maria della Neve de Boffalora (dépôt à la Pinacoteca Nazionale di Brera). Quant au visage levé au ciel de la sainte, il trouve son écho dans bon nombre de peintures de Giovan Mauro Della Rovere réalisées entre 1610 et 1630 à Milan, telles la Nativité de Saint François d’Assise de l’église San Marco, la Vierge à l’Enfant avec Saint François et Sainte Lucie de la basilique Sant Eustorgio, ou la Résurrection de Lazare et le célèbre Triomphe du Paradis, tous deux à Santa Maria del Carmine. On y retrouve également les mêmes mains éloquentes aux longs doigts, et, dans le Triomphe du Paradis, Marie Madeleine elle-même avec la même longue chevelure dorée et ondulante. Enfin, les mêmes angelots aux coiffures ébouriffées et regards malicieux, peuplent la fresque des Anges musiciens à Santa Maria Annunciata à Bienno.

Notre grand tableau ne se distingue pas moins de toutes ces œuvres par sa palette chaude, bâtie sur les teintes allant du rose clair au brun profond, en passant par le jaune d’or et le pourpre. Venue peut-être par Morazzone qui avait séjourné à Rome, l’influence des caravagesques se traduit ici par le cadrage très serré et le fond neutre, même si la lumière de Fiamminghino reste douce et ne crée que quelques légères ombres portées, car au-delà même de la figure de la sainte, c’est son émotion que l’artiste cherche à saisir et à retranscrire.
A.Z.

Bibliographie générale (œuvre inédite)
Marco BONA CASTELLOTTI, La Pittura lombarda del’ 600, Milan, 1985, pl. 252-258 et 665.
Paola TENCHIO, L’Opera del Fiammenghino nelle Tre Pievi altolariane, Menaggio, A. Sampietro, 2000.
Amalia GOLA SOLA, Il Fiamminghino. Il pittore tragico : Giovanni Mauro della Rovere, Milan, 1973.
Giuseppe FUSARI (dir.), Il gran teatro barocco. I Fiamminghini e i Trionfi dei santi Faustino e Giovita, cat. exp. Brescia, Museo diocesano, 2010.
Pier Giuseppe AGOSTONI, « Giovan Mauro della Rovere detto il Fiammenghino », Arte Cristiana, 1960, p. 229-234.

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