Anne-Louis Girodet de Roussy-Trioson et atelier (Montargis, 1767 - Paris, 1824)

Portrait du citoyen Jean-Baptiste-François de Bourgeon, 1800

64 x 54 cm

1800. Huile sur toile.

Provenance
- France, collection particulière.

« Girodet, peintre, pensionnaire, jeune homme du premier talent et bon patriote (…) C’est un sujet très précieux et grande espérance. »

Reconnu de son vivant par la cour de Napoléon Ier et l’ensemble de l’aristocratie française des premières années du XIXe siècle, Anne-Louis Girodet de Roussy-Trioson est un peintre d’histoire et portraitiste de talent indépendant.
Envoyé dès son plus jeune âge à Paris où ses études classiques révèlent sa virtuosité artistique, Anne-Louis Girodet-Trioson devient rapidement l’un des meilleurs élèves de l’atelier de David. Il y prépare le Prix de Rome qu’il obtient en 1789 grâce à Joseph reconnu par ses frères (Paris, E.N.B.A.), et poursuit l’étude sur le néoclassicisme jusqu’à son retour d’Italie en 1795.

Girodet était convaincu que l’Académie Royale freinait la liberté des peintres en refusant de laisser s’exprimer leurs idées : « [c]e serait la seule manière d’avoir des hommes de génie et des productions neuves mais ils sont tous a peu près si bêtes à l’académie Royale de peinture et de Sculpture (…) que je desespere de voir executer cet utile projet. » . Il entame donc l’idée d’une nouvelle manière de traiter ses sujets.

Pendant ces cinq années d’absence, la France connaît une série de bouleversements fondamentaux dans l’histoire de sa société. Informé de ces évènements révolutionnaires depuis l’Italie, Girodet, qui avait exprimé sa forte conviction républicaine à travers de nombreuses lettres (déposées au musée Girodet de Montargis par les héritiers de l’artiste), décide de se consacrer pleinement à l’art du portrait et d’explorer ainsi de nouveaux sujets d’étude dont le Portrait du citoyen Belley, ex-représentant des Colonies (Versailles, musée national du Château et de Trianon) en marque le commencement. Fasciné par les premières réalisations romantiques révélées quelques décennies plus tôt par les têtes d’expression et scènes dramatiques de l’œuvre de Jean-Baptiste Greuze (Le Docteur Trioson, Musée de Montargis), Girodet s’intéresse au portrait comme moyen d’exprimer l’intensité psychologique et de traduire l’importance de ces visages jusqu’à lors inconnus de la société, nouvellement nommés « citoyens ».

À la surprise générale, l’accrochage du Salon de 1800 présente quelques uns de ces visages inconnus du grand public, parfois anonymes, sans lien direct avec un quelconque événement majeur historique et la critique s’étonne : « Je me demande pourquoi nous voyons que beaucoup de ces particuliers qui désirent être vus en public ne jugent point à propos d’être reconnus de ce même public. » Parmi ces anonymes se tient fièrement le Portrait du citoyen Jean-François de Bourgeon, maire de Boissy-le-Sec, portraituré à l’âge de quarante-trois ans, ami et modèle très apprécié de Girodet qui le présente d’ailleurs en deux versions : celle du Salon, aujourd’hui conservée au musée de l’Hôtel Sandelin de Saint-Omer et notre tableau, reprise partielle de l’artiste et de son atelier.

Notre tableau n’est pas une commande. Il s’agit d’une œuvre personnelle en souvenir du lien d’amitié qui unissait les deux hommes. Dans une lettre de 1801, Girodet écrivait à son attention « (…) je ne cesserai jamais, mon ami, de prendre le plus vif intérêt à tout ce qui vous concerne, j’apprendrai toujours avec une satisfaction égale tout ce qui pourra contribuer à votre bonheur. »

En évitant volontairement de s’intéresser aux accessoires superflus qu’il laisse à la peinture d’histoire, Girodet cherche avant tout à rendre avec précision les caractéristiques qui permettront de reconnaître le modèle. Avec une élégante simplicité, Jean-François de Bourgeon est ici représenté à mi-corps, le regard tourné vers le spectateur. L’économie de détails et le cadre resserré de notre version permettent au spectateur de ne se concentrer que sur l’essentiel : l’intensité du regard invitant à la réflexion. En effet, grâce à une grande maîtrise du dessin, talent hérité de sa formation académique, Girodet souligne un visage paisible mais dont la fixité du regard permet de rendre l’importance de la fonction sociale de son modèle. En présentant ce tableau au Salon, Girodet gratifie le citoyen Bourgeon d’une place éminente au sein de la peinture d’histoire et des portraits officiels.

M.O

Bibliographie générale (œuvre inédite)
BELLANGER Sylvain, 2005, Girodet 1767-1824, catalogue d’exposition, Paris, musée du Louvre, du 22 septembre au 2 janvier 2005, Musée du Louvre Éditions, Gallimard, p. 402-403.

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