Joseph Barthélémy VIEILLEVOYE (Verviers, 1798 – Liège, 1855)

Saint Paul de Tarse

Huile sur toile.
Monogrammé et daté « B.V 1850 » au milieu à droite.

Provenance
Couvent des Révérends Pères Jésuites, Liège, jusqu’en 2013.

Fils d’un restaurateur de tapisseries, Joseph Barthélémy Vieillevoye se passionna très tôt pour la peinture et le dessin, mais il fallut l’intervention du Docteur Rutten, bourgmestre de Verviers, sa ville natale, pour que le jeune homme puisse entrer à l’Académie d’Anvers en 1816. Il y suivit assidument l’enseignement de Mathieu-Ignace Van Brée, deuxième prix de Rome en 1797 et grand admirateur de Rubens, et passa son temps à copier les scènes pieuses des grands artistes du Siècle d’Or. Dans les pas des maîtres anciens, il choisit alors de se consacrer à la peinture religieuse et au portrait, négligeant les sujets tirés de l’histoire antique alors que le néo-classicisme régnait encore en maître à Anvers. Mais, en échouant en 1819 au concours du prix de Rome avec son Tobie guérissant son père, c’est avec Philopœmen prenant la ciguë et La Mort de Timophane, tyran de Corinthe qu’il se présenta cinq ans plus tard devant David exilé. Celui-ci l’encouragea à aller à Paris, où Vieillevoye découvrit les tableaux d’Antoine-Jean Gros et d’Anne-Louis Girodet. Rappelé à Anvers pour remplacer Van Brée à l’Académie, il obtint de très nombreuses commandes de peintures d’autel et surtout de portraits : entre 1823 et 1829, il en réalisa plus d’une cinquantaine, dont celui de Henri Vieuxtemps, jeune virtuose du violon (signé et daté de 1828, Verviers, Musées Communaux). Les Remords de Caïn d’après un poème de Salomon Gessner marquent l’apogée de sa carrière anversoise : le tableau fut exposé à Gand et acquis par le roi Guillaume (perdu, copie autographe à Liège et une autre version autographe à Verviers).

À la révolution de 1830, Vieillevoye dut retourner à Verviers. Cinq ans plus tard, il fut nommé directeur de l’Académie de peinture, sculpture, gravure et ciselure qui venait d’être créée à Liège. Il y enseigna la peinture à partir de 1844. Travaillant sans relâche, Vieillevoye embrassa tous les genres, des tableaux d’histoire comme le célèbre Épisode du sac de Liège par Charles le Téméraire en 1468, portraits officiels des édiles de Liège et des professeurs d’Université ou plus intimes de femmes et d’enfants, aux paysages wallons et scènes de genre autour des pittoresques botteresses liégeoises. Ses peintures religieuses furent primées à l’Exposition de Bruxelles de 1842 et à l’Exposition Nationale de 1845, lui valant également la croix de l’Ordre de Léopold. Mais il se sentit blessé de l’accueil critique réservé à L’Assassinat du Bourgmestre Laruelle en 1637, immense toile de cinquante figures commandée par le Gouvernement de Liège en 1851 et présenté à Bruxelles en 1854 (Liège, musée des Beaux-Arts). Ce fut son dernier grand tableau.

Entre néo-classicisme et romantisme, n’adhérant jamais véritablement ni à l’un ni à l’autre de ces deux courants, Vieillevoye se forgea une manière propre, plus influencée par Van Dyck que par aucun des artistes qu’il était amené à côtoyer. Ses portraits surtout, d’une fine et juste observation psychologique, sont tracés d’une pointe fine, avec une rare minutie dans les moindres détails, dans le rendu des étoffes avec leurs reflets et plis ou dans les cheveux qu’il travaille un par un comme des fils d’argent, d’abord dans les tons sombres, puis de plus en plus claires à l’instar des primitifs flamands.

Dans les dernières années de sa vie, le peintre s’intéressa de plus près à la figure humaine, cherchant ses modèles parmi les gens simples, les artisans et les paysans, aux visages creusés par les rides, aux regards intenses, mains rugueuses, dos courbés par les années, vêtements élimés et chevelures ébouriffées (ill. 1-2). Sans cette afféterie mondaine chère aux grands bourgeois du XIXe siècle que Vieillevoye était habitué à représenter, ces humbles personnages avec leur gestuelle retenue, leurs posses lourdes, leur tristesse teintée de souffrance et de colère, semblaient habités d’une force d’un temps révolu, tels des lointains héritiers des Vieillards de Van Dyck ou de Jordaens. Certains de ces modèles anonymes sont ainsi venus peupler L’Assassinat du Bourgmestre Laruelle et le maître-autel de la nouvelle église du Collège Saint-Servais des Jésuites à Liège commandé à Vieillevoye en 1852, L’Adoration du Saint Cœur par les principaux saints de la Compagnie de Jésus.

Peint deux ans plus tôt pour les jésuites de Liège, notre tableau représentant Saint Paul s’inscrit dans la même recherche de vérité qui le rapproche des apôtres de Gérard Seghers ou de Georges de La Tour. Le drapé rouge passé avec ses bords élimés, l’acier froid de l’épée, les veines parcourant les mains puissantes du saint, sa barbe poivre et sel fournie et frisée sont d’un naturalisme saisissant et font croire que Vieillevoye utilisa là aussi l’un de ses portraits de vieillards peints d’après nature. Mais l’éclairage diffus, le fond imprécis et surtout le regard profond et inspiré de l’apôtre introduisent la distance nécessaire et insurmontable entre le spectateur et le personnage qui appartient définitivement au monde céleste.

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