Constance-Marie CHARPENTIER (Paris, 1767 - 1849)

Une mère convalescente soignée par ses enfants

96 x 116,5 cm

Huile sur toile.
Signé "C. M. Bondu / Charpentier" en bas à gauche

Provenance :
• Collection de l’artiste
• Exposé au Salon de 1804 « Une mère convalescente soignée par ses enfants. » sous le numéro 94
• Inventaire après décès de François-Victor Charpentier du 16 mai 1810 "It deux tableaux dont le père aveugle et l’autre la mère convalescente dans leurs bordures dorées prisés et estimés cent quarante quatre francs"
• Collection de la famille des héritiers, sud de la France
• France, collection particulière.

Bibliographie :
• Yaelle Arasa, Davidiennes, Les femmes peintres de l’atelier de Jacques-Louis David (1768-1825), L’Harmattan, Paris, 2019
• Margaret Ann Oppenheimer, Women artists in Paris, 1791-1814, New York University ProQuest Dissertations Publishing, 1996

La citoyenne Charpentier ou Mme Charpentier, comme nommée dans les livrets de Salons parisiens est en réalité la peintre Constance-Marie Charpentier, née Bondelu. Entrée dans l’atelier de Jacques-Louis David (Paris, 1748 – Bruxelles, 1825) à l’âge de 17 ans, elle y développe ses compétences artistiques avant de s’adonner pleinement à une peinture de genre à connotation morale, portée par les écrits de Denis Diderot et lancée par l’œuvre Jean-Baptiste Greuze (Tournus, 1725 – Paris, 1805) dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Elle termine sa formation auprès de François Gérard (Rome, 1770 – Paris, 1837) et Pierre-Alexandre Wille (Paris, 1748 – 1821), peintre de genre qui lance pleinement son goût pour les scènes familiales intimistes. En tant que membre extérieur de l’Académie, Constance-Marie Charpentier n’est autorisée à exposer au Salon qu’à partir de 1791. Elle y reçoit dès 1795 et jusqu’en 1819 un franc succès.
Son travail fut souvent rapproché de celui de Marguerite Gérard (Grasse, 1761 – Paris, 1837) pour la proximité de leurs sujets : la tendresse maternelle occupe en effet une place de choix dans leur œuvre. Ainsi, aux Salons de 1806 et de 1812, Charpentier présente respectivement Portrait de Mme F***, tenant sa fille sur ses genoux (n°95) et Une mère recevant la confidence de sa fille (n°183), glorifiant ainsi la relation mère-enfant lorsque le père, si représenté, n’y joue qu’un rôle secondaire.
Dans un intérieur relativement aisé apparaît une douce image de la vie quotidienne. Au centre de la composition, une femme âgée, le regard levé comme implorant le ciel de lui venir en aide, semble tout juste sortie de son lit afin d’atteindre un fauteuil posé près d’une table où le chocolat est servi. Vraisemblablement mère de quatre enfants, elle prend appui sur ses deux aînés : l’épaule de son fils d’un côté et le bras de sa fille de l’autre qui apporte l’un de ses oreillers. La plus jeune fille tire le fauteuil tandis que la cadette debout à droite de la composition apporte avec grand soin une tasse de chocolat. Au cœur de la sensibilité de l’œuvre de Constance-Marie Charpentier, notre tableau illustre d’une part l’amour maternel comme modèle idéal de la famille française et évoque d’autre part la propre vie de l’artiste, elle-même mère ayant perdu sa première fille Constance-Julie prématurément à l’âge de neuf ans, un an avant la réalisation de notre tableau. Dans cette œuvre d’un format inhabituel pour l’artiste, l’ensemble harmonieux présente une multitude de détails fondue en un tout méticuleusement pensé. Le puissant contraste de lumière entre le fond sombre, délimitant la pièce et le premier plan permet de donner une dimension théâtrale et chaleureuse à la scène qui s’y déroule. Au-delà des constructions néoclassiques rigoureuses, l’artiste développe une peinture délicate et charmante héritée de son apprentissage auprès de David ainsi qu’une pureté de la ligne observée attentivement chez François Gérard. En effet, à ses débuts, Charpentier s’exerce au dessin en copiant quelques unes des œuvres de ses maîtres dont le Portrait de Mademoiselle Brongniart de Gérard. Les visages, emplis de douceur et traités dans une douce palette rehaussée par de légers coups de pinceaux roses, ne sont, quant à eux, pas étrangers aux œuvres de Wille.
Le corpus de l’œuvre de Constance-Marie Charpentier demeure complexe. Par l’excellence de sa technique qu’elle perfectionne tout au long de sa carrière, son œuvre, bien qu’empreinte d’une grâce rêveuse qui lui est propre, a pu être confondue avec celle de ses contemporaines dont Marie-Denise Villiers notamment à propos du portrait de Charlotte du Val d’Ognes exposé au Salon de 1801 (New York, Metropolitan Museum) dont la paternité lui a récemment été rendue.

M.O.

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