Suzanne BIZARD (Saint-Amand-Montrond, 1872 - Paris, 1963)

Jeune femme en habit médiéval

H. 14, L. 14,5, P. 9 cm

Circa 1900.
Bronze, patine dorée. Fondeur Ernest Louis Mottheau (1841-1905) (sans cachet).
Signé Suzanne BIZARD sur la base

Provenance
• France, collection particulière

Vers 1920, Albert Harlingue, occupé à composer une série de portraits de sculpteurs parisiens, vint photographier Suzanne Bizard dans son atelier situé avenue de Breteuil. Plutôt que d’apparaître, comme la plupart de ses confrères masculins, en modelant quelque œuvre, l’artiste choisit de poser très simplement, près de sa réalisation la plus ambitieuse intitulée L’Honneur et l’argent. Elle est vêtue d’un chandail de laine et d’un pantalon ample maculé de taches de plâtre, mais ses cheveux sont rangés dans un élégant chignon à la mode d’avant la Grande Guerre qui contraste avec l’austérité de sa tenue de travail. Les mains dans les poches, elle regarde calmement le spectateur, un charmant sourire aux lèvres, s’affirmant comme femme et sculpteur.

Irène Marie Suzanne Bizard naquît en 1872 à Saint-Amand-Montrond dans une famille aisée et artistique. Son père, Sylvain François Félix Bizard, était entrepreneur, tandis que son oncle maternel, François Moreau de Charny, était aquarelliste, poète et écrivain. Très tôt attirée par la sculpture, Suzanne vint à Paris, où elle suivit notamment l’enseignement d’Alexandre Falguière. Membre de la Société nationale des Beaux-Arts, puis de la Société des Artistes français et de l’Union des femmes peintres et sculpteurs, elle exposa des bustes, des plâtres et des statuettes aux Salons et dans diverses manifestations de 1893 à 1930. En 1900, elle obtint une mention honorable pour Vers l’idéal (no 1846), acheté par l’État. Il s’agissait d’une statue en plâtre représentant une jeune femme nue, élancée et gracieuse, tendant ses bras vers le ciel, un dragon et un crâne sous ses pieds. Présentée trois ans plus tard, l’allégorie monumentale L’Honneur et l’argent fut également retenue par l’État (no 2543). Personnifiant l’Honneur, la belle jeune femme résistait sans difficulté aux efforts déployés par l’Argent violent et musculeux pour la renverser. Loué par la critique, le groupe fit connaître l’artiste en France, mais également à l’étranger.
Moins spectaculaires, les envois suivants de Bizard au Salon étaient souvent remarqués et lui valurent la médaille de bronze en 1913. Sa manière alors était tout autre, les œuvres d’un grand réalisme ayant succédé aux allégories poétiques d’Art Nouveau, à l’instar de la Quiétude (salon de 1909), portrait d’une vieille femme assise. Après la guerre, le style de Bizard s’épura pour se fondre dans l’Art Déco. L’artiste renoua avec les nus, mais se tourna également vers la représentation des enfants et la sculpture animalière où elle excellait, laissant libre cours à sa malice naturelle.

Notre petit buste date des débuts de la carrière de Suzanne Bizard, marqués par la recherche symboliste et décorative propre au tournant du siècle. Tel le prolongement de ses grands nus, libérés et sensuels, le buste d’une mystérieuse princesse médiévale, avec ses yeux baissés, ses habits richement brodés et ses coiffes sophistiquées, fascine l’artiste. Inlassablement, Bizard revient vers cette figure, la sculptant en bronze, en albâtre, en marbre ou dans une technique mixte : ivoire et bronze, albâtre et marbre.

Admirablement ciselé, notre buste apparaît comme l’aboutissement de cette quête de l’insaisissable. Le visage de la jeune femme, aux traits fins et yeux en amande mi-clos, évoque les Madones du Quattrocento et les peintres de la Renaissance du Nord. Délicatement tressés, ses cheveux s’échappent de la coiffe savamment repliée pour descendre dans le dos et disparaître sous le bord richement orné de la robe. Une guimpe fine se devine grâce à quelques plis : elle recouvre le long cou et la gorge de la belle dame. La sobriété de la robe est rompue par un imposant bijou qui se déploie en deux volutes sur la poitrine. Ni broderie, ni orfèvrerie, il souligne l’irréel de la princesse, son inexistence, son détachement du matériel et de l’histoire. Car derrière la légèreté décorative de la jeune femme se reconnaît le questionnement de l’artiste et de son époque sur l’idéal, la beauté, le rêve ou l’illusion.

A.Z.

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