Charles Henri VAN DER STAPPEN (Bruxelles 1843 – 1910)

« La Source »

Bronze à patine brune. Signé sur le devant .

Charles van der Stappen fut très jeune contraint de gagner sa vie. Travaillant le jour comme plâtrier, il suivait le soir les cours de l’Académie de Bruxelles. Il y pratiqua la sculpture, le dessin et le modelage. Van der Stappen fréquenta dans les années 1860 l’atelier de Portaels, où il côtoya Meunier et Lemmonier. Ces rencontres, les discussions passionnées qui les accompagnaient, la pratique systématique de l’étude d’après modèle, jouèrent un rôle majeur dans le développement de son art.
La carrière de van der Stappen fut structurée par les chantiers de sculpture décorative qui le menèrent sur de nombreux bâtiments publics belges, mais aussi parisiens. Il séjourna pour la première fois à Paris en 1869, et profita du temps que lui laissait son travail pour visiter les musées et étudier à l’Ecole des Beaux-Arts. Van der Stappen avait le goût du voyage, et outre de nombreux séjours à Paris, parcourut l’Italie à plusieurs reprises.

La carrière de Charles van der Stappen fut jalonnée par de nombreuses participations au Salon de Bruxelles, où il fut d’abord refusé en 1863, puis plus tard Médaille d’or (Toilette d’un faune, 1869). Malgré deux échecs au Prix de Rome, on le retrouvait à Paris, au Salon ou aux Expositions Universelles. L’artiste fut invité à la Libre Esthétique, où ses œuvres côtoyèrent celles de Meunier, Khnopff ou Camille Claudel, et exposa également avec les XX. Il présenta son travail à plusieurs reprises lors de la Biennale de Venise. A partir de 1898, van der Stappen assura en outre la direction de l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles.

La Source est un témoignage de l’entreprise la plus fascinante de l’artiste : la réalisation d’un « Monument à l’Infinie Bonté ». Bien que jamais réalisé, ce projet qu’il envisageait comme une vaste synthèse de son œuvre l’occupa de nombreuses années. C’est la presse qui présenta ce travail en 1899, sous la plume d’Octave Maus. Relatant les monuments publics alors en préparation en Belgique, il écrit : « Le plus considérable d’entre eux sera le Monument de l’Infinie Bonté, qui résumera, dans un ensemble grandiose, peuplé de figures, ornée de bas-reliefs et de groupes, une grand partie de la carrière artistique de Monsieur Charles van der Stappen ».

Le projet était d’envergure : l’artiste, pour le financer, avait prévu la création d’une société qui aurait commercialisé les différents éléments du Monument. Van der Stappen l’avait conçu comme un vaste assemblage, dans une veine humanitariste qui rappelle le travail de son ami Emile Verhaeren. Il rêvait de réaliser une sorte de « jugement dernier du cœur humain », selon les mots d’Arnold Goffin, qui parle d’un « tableau de la destinée de l’homme à la fois douloureux et consolant ». Bas-reliefs, groupes ou figures seules en ronde-bosse forment une vaste composition parmi laquelle des gradins permettent aux promeneurs de s’assoir. On y retrouve « le Dévouement », « l’Aspiration », « l’Homme marchant » ou « le Christ », couronnés par un vaste ensemble illustrant la citation biblique « Aimez-vous les uns les autres ».
En 1900, le Salon de Bruxelles présentait sept études pour le Monument, parmi lesquelles une statuette en bronze de la Source, autre version de notre œuvre (aujourd’hui aux Musées Royaux d’Art et d’Histoire). La Source fut à nouveau présentée à la Biennale de Venise en 1901 (salle N, n° 30). Cette statue représente parfaitement l’évolution stylistique de Charles van der Stappen, et la manière qui caractérise son Monument. Dans la même veine que Constantin Meunier dont il est proche, l’artiste accentue la simplification anatomique. Les mains, aux proportions souvent agrandies, occupent alors une place signifiante. L’expressivité de la femme en source est concentrée par des lignes épurées, dénuées de tout détail anecdotique. Prolongeant alors une recherche née peut-être avec le Sphinx Mystérieux, buste demeuré célèbre, Van der Stappen semble avoir atteint ici un sommet de son art.

Charger plus