Alessandro ALLORI (Florence 1535 - 1607)

"Adam et Eve"

Pierre noire sur papier préparé ivoire

Principal disciple d’Agnolo Bronzino, Alessandro Allori lui fut lié par une profonde affection filiale ; à sa mort en 1672, il reprit son atelier, héritant en même temps de son rôle de peintre de cour.
Dans la Florence du Cinquecento, la formation artistique se fondait plus que jamais sur le dessin. Vers 1550, Baccio Bandinelli y installa une première académie, dans la lignée de celle qu’il avait instaurée au Vatican en 1531. En janvier 1563, Côme de Médicis, sous l’impulsion de Vasari, créa la fameuse Academia del Disegno. L’étude de l’anatomie et les séances de modèle vivant en constituaient l’un des fondements. Alessandro Allori la fréquenta dès sa création.
A l’instar de ses contemporains, Allori fut fasciné par l’étude de la figure humaine. Baldinucci rapporte qu’il « passe son temps à écorcher des cadavres et à en tirer dessins et modèles ». Vincenzo Borghini, qui lui rendit visite dans son atelier du cloître de San Lorenzo, dit avoir été « émerveillé de tant de rigueur, car [Allori] a vu tous les nerfs, veines, os et muscles et fait quantités d’anatomies admirables dans diverses attitudes et de figures dont la carnation est de toute beauté ».

Dans l’étude du corps humain, les artistes florentins puisèrent également auprès de leurs prédécesseurs un précieux enseignement. Allori fut marqué par le travail de Michel-Ange, et de toute la première génération maniériste. Notre feuille témoigne de la multiplicité de ses influences. On peut y reconnaître les deux figures centrales d’un tableau aujourd’hui encore conservé au Palais Pitti : La création d’Eve.
D’après les écrits de Vasari, ce tableau fit partie d’un ensemble de quatre compositions commandées par Eléonore de Tolède en 1559. Bandinelli en aurait fourni les cartons, tandis que les toiles définitives auraient été peintes par Andrea del Minga. James Beck rectifie les propos de Vasari, en attribuant la majeure partie de l’exécution à Bandinelli, et en minimisant l’intervention de Minga. Les tableaux étaient déjà cités dans la Guardaroba du Palais Pitti en 1560, l’année du retour d’Allori à Florence après six ans passés à Rome ; on peut donc situer son dessin au début de cette décennie. Le filigrane en forme d’arbalète conforte cette datation : on le retrouve à Fabriano en 1559, et à Rome entre 1562 et 1563.

Le tableau du Palais Pitti représente Adam endormi, assis sur un rocher. Eve occupe le centre de la composition, naissant de lui. A gauche, Dieu le Père est évoqué sous les traits d’un vieillard, enveloppé dans un large manteau drapé. Allori n’a retenu que les figures nues des deux premiers humains, ainsi que le jeune daim qui se tient aux pieds d’Adam. On retrouve ici son intérêt pour les personnages contorsionnés et son style graphique. Le modelé souple, laissant à peine visible le trait du crayon, dessine des anatomies puissantes. La plastique est intensifiée par le traitement subtil de la lumière, en contrastes retenus.
On connaît d’autres études anatomiques réalisées par Allori d’après ses prédécesseurs. On pense par exemple à Vénus et l’amour (Paris, Musée du Louvre), exécutée d’après un carton perdu de Michel-Ange pour la demeure de Bartolomeo Bettini. On y retrouve cette souplesse des chairs et cette perfection du dessin. Par sa facture soignée et son anatomie sculpturale, notre dessin rappelle également L’homme nu suspendu par une main (Paris, Musée du Louvre), qu’Allori a tiré d’un des Elus du Jugement Dernier de Michel-Ange. Il a copié la fresque de la Chapelle Sixtine en 1559.

Provenance :
France, collection particulière
Bibliographie :
E. PILLIOD, Pontormo, Bronzino, Allori. A genealogy of Florentine Art, New Haven, Londres : Yale University Press, 2001
S. LECCHINI GIOVANNONI, Alessandro Allori, Turin : Allemandi, 1991
S. LECCHINI GIOVANNONI, Ph. COSTAMAGNA, « Osservazioni sull’attività giovanile di Alessandro Allori », in Antichità Viva, 1988, XVII, 1, p. 10-31
R. BORGHINI, Il riposo di Raffaello Borghini : in cvi della pittvra, e della scultura si fauella, de’piu illustri pittori, e scultori, et delle piu famose opere loro si fa mentione ; e le cose principali appartenenti à dette arti s’insegnano, Florence : Giorgio Marescotti, 1584

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