Marguerite GÉRARD (Grasse, 1761 – Paris, 1837)

Portrait d’une jeune femme aux boucles d’oreilles

Vers 1794-1795
Miniature fixée sous verre
Signé Mte gerard en bas à gauche
Diamètre : 6,8 cm

Provenance :
• France, collection particulière

Expositions :
• Marguerite Gérard Artiste en 1789 dans l’atelier de Fragonard, Paris, musée Cognacq-Jay, 2009, p. 124-125, n° 32

Bibliographie :
• Carole Blumenfeld, Marguerite Gérard 1761-1837, Montreuil, 2019, p. 223, reproduit sous le n° 100P

« Très jeune encore, encore inconnue [mademoiselle Gérard] se cachoit timidement sous la réputation de Fragonard,
son maître et son beau-frère, pour arracher à ce public souvent injuste et prévenu le tribut d’estime que,
dans ses préjugés superbes, il refuse quelquefois à la jeunesse et à l’obscurité. »

Formée auprès de sa sœur et de son beau-frère, l’éminent Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), la jeune grassoise développe avec aisance ses dons dans le maniement du pinceau. Inspirée par l’œuvre de celui qu’elle considère comme son maître, elle tire de son enseignement une attention particulière à une facture lisse et délicate. Fortement influencée dans les premières années de sa carrière, elle s’émancipe dans les années 1780 et traite les sujets charmants qui traduisent une partie de sa délicate personnalité : scènes familiales, de leçon, d’enseignement, de lecture entre autres dans lesquels la figure féminine tient une place prédominante.
Contrairement à la majorité de ses contemporains, Marguerite Gérard ne cherche pas à entrer à l’Académie et ne bénéficie ainsi pas de la protection de la famille royale. Elle n’est pas représentée aux premiers salons renouvelés jusqu’en 1799 mais à ceux de la Société des Amis des Arts. L’artiste préfère trouver sa reconnaissance sociale dans le choix de ses sujets et dans sa manière propre qui lui permet de se distinguer de ses confrères.

La fin du siècle voit le développement de l’art de la miniature comme une spécialité à part entière. Marguerite Gérard profite de ce contexte économique particulièrement favorable et de cet engouement soudain pour alimenter sa reconnaissance sociale et démontrer une nouvelle fois la minutie de son pinceau.
À l’heure où la demande de scènes de genre se raréfie, cette nouvelle production marque un véritable tournant dans sa carrière et un apport financier non négligeable. Sa dextérité lui permet de se distinguer de sa sœur, la miniaturiste Marie-Anne Fragonard qui travaille dans la lignée de son époux, dont il retouchait par ailleurs volontiers le travail. Tout comme dans ses scènes de genre, la figure de l’enfant ainsi que la figure féminine tiennent une place centrale dans ses petits portraits.

Notre portrait peut être daté de la fin de la Terreur, vers 1794. Pour la réalisation de ces miniatures, Marguerite Gérard privilégie une technique particulièrement délicate en réalisant de petites huiles sur toile qu’elle fixe sous verre. Ce procédé permet d’accentuer les détails minutieux du visage du traitement des pommettes, des cernes jusque dans le reflet des boucles d’oreilles d’or que porte le modèle. Ces mêmes détails se retrouvent dans quelques-unes de ses œuvres comme en témoigne le portrait de jeune femme conservé au musée du Louvre (ill. 1).

Sa virtuosité s’exprime tout aussi dans le soin accordé au naturalisme et à l’individualisation des profils. Elle choisit judicieusement de les représenter en buste afin de démontrer sa capacité à rendre la physionomie et le travail mené sur le rendu des chairs (ill. 2).
Qu’il s’agisse d’un tableau de chevalet ou d’une œuvre dont le diamètre n’excède pas les 7 centimètres, Gérard porte une grande attention aux jeux d’ombre et de lumière. Son pinceau, d’une extrême finesse, lui permet de donner l’illusion des matières et des épaisseurs. Dans notre portrait, ce traitement est particulièrement visible dans le nœud du fichu, dans le pli du tissu marquant la poitrine ou encore dans le fin châle aux extrémités brodées qui couvre les épaules de la jeune femme. Ces jeux de transparence de matière évoquent tout aussi un sentiment de spontanéité et d’authenticité, révélant une relation personnelle entre l’artiste et son modèle.

En débutant sa carrière l’année du couronnement de Louis XVI, peignant son dernier tableau lorsque Charles X monte sur le trône, Marguerite Gérard est l’une des rares femmes artistes à avoir connu une carrière si prolifique. Elle parvient à hisser la scène de genre au niveau de la peinture d’histoire, talent pour lequel elle est salué par les critiques qui félicitent par ailleurs son don dans la réalisation des miniatures, traitées systématiquement avec la tendresse et l’émotion dont elle fait usage jusqu’à son dernier portrait la veille de la monarchie de Juillet.
M.O

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