Jacob JORDAENS (Anvers 1593 - 1678)

"Etude pour une scène de sacrifice"

Pastel, gouache sur traits de pierre noire

Jacob Jordaens est l’une des grandes figures de la peinture anversoise du XVIIe. L’abondance et la qualité de sa production le firent volontiers associer à ses contemporains Rubens et Van Dyck. A la différence de ces derniers, peintres de cour qui fréquentaient la société érudite et humaniste, Jordaens évolua dans le milieu bourgeois qui était le sien. Son goût pour les vastes compositions s’accorde ainsi à des modèles réalistes, empreints d’une vie généreuse et joviale.

Jordaens suivit à Anvers une formation traditionnelle chez le peintre Adam van Noort, qui deviendra son beau-père. Il y côtoya Rubens, dont les compositions et la touche expressive l’influencèrent durablement. Mis à part quelques brefs voyages, la longue et prolifique carrière de Jacob Jordaens se déroula entièrement à Anvers. Il n’effectua jamais le traditionnel voyage en Italie, mais s’attacha à réunir et copier les œuvres des artistes transalpins circulant grâce à la gravure.

L’artiste débuta probablement par des œuvres à la détrempe, puis travailla la peinture à l’huile ; il réalisa également d’importants cartons de tapisserie. Jordaens, qui jouit sa vie durant d’une excellente réputation, s’adjoignit progressivement l’aide d’un important atelier. Il répondit aux commandes de particuliers, des institutions religieuses ou civiles, travailla pour les cours des Pays-Bas espagnols, d’Angleterre et de Suède. On lui connait autant un goût pour la mythologie et les allégories que pour les sujets bibliques – il développa probablement ces derniers en se rapprochant de l’église réformée.

Dans notre dessin, devant une arcature antique, Jordaens a mis en scène de nombreux personnages autour d’un autel sur lequel un agneau est préparé pour le sacrifice. Les figures sont précisément construites, les postures variées et les expressions étudiées. Au premier plan plusieurs bêtes (des moutons) sont apportées à l’autel : Jordaens aimait dessiner les animaux, et les inséra fréquemment dans toutes sortes de compositions.Dans une région catholique marquée par le Concile de Trente, ce thème de sacrifice inspiré de l’Ancien Testament peut surprendre ; les Pays-Bas méridionaux empreints de culture humaniste conservèrent toutefois longtemps le goût pour l’Antique, et allouèrent à des scènes profanes une signification allégorique propre à exalter les vertus. Le thème du sacrifice est en lui-même porteur de sens, évoquant celui du Christ venu accomplir les sacrifices païens ou vétérotestamentaires.

Sur un papier beige, Jordaens a construit la scène à la pierre noire. Des rehauts de sanguine, de pastel et d’aquarelle animent les personnages, le feu et le décor. La vigueur de la construction et la qualité de la technique rapprochent par exemple notre œuvre du Jésus chassant les marchands du temple (ca. 1645 – 1650, Musée du Louvre). L’un et l’autre mettent en œuvre une composition en mouvement, où personnages et animaux sont contenus dans un décor architectural de conception classique.

Nous pouvons également confronter notre œuvre aux dessins Veritas Dei et Suffer the little children to come unto me (localisation inconue, voir bibliographie), publiés par d’Hulst, spécialiste de l’artiste. Jordaens y emploie la même technique, et dispose les personnages dans une architecture antique semblable.
Certains éléments iconographiques sont à rapprocher d’autres œuvres de l’artiste. Le grand prêtre mitré debout en arrière plan évoque un homme figurant dans l’Allégorie sur l’incompréhension des Hébreux et des Grecs concernant le Sacrifice du Christ (Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg).
On retrouve les deux enfants portant une jarre – dont l’un se retourne vers nous en personnage admoniteur – dans La fabrication et l’adoration des faux dieux (Crocker Art Gallery, Sacramento).

Bibliographie

- E. Mc GRAETH, « Jacob Jordaens and Moses’s Ethiopian Wife », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, vol. 70, 2007, pp. 247-285, fig. 5
- J. S. HELD, « Jordaens drawings by R.-A. Hulst ; P.S. Falck », The Art Bulletin, vol. 60, 1978, pp. 717-732, fig. 1
- R.A. D’HULST, « Jordaens drawings », Phaidon, Londres, New-Yo r k , 1994, voir pour comparaison Veritas Dei (p. 242) et Suffer the little children to come onto me (p. 316)
- D’HULST, POORTER, VANDENVEN, « Jacob Jordaens », cat. d’exposition, Anvers : Koninklijk Museum voor Schone Kunsten, 1993
- P. C. SUTTON, « Rubens ‘Sacrifice of the Old Covenant’, from the Coolidge Collection », Journal of the Museum of Fine Arts, Boston, vol. 1, 1989, pp. 4-21

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