Louis-Léopold BOILLY (La Bassée, 1761 - Paris, 1845)

Jeune femme avec sa fille et Jeune homme avec son fils

40 x 24,6 cm et 39,3 x 24,6 cm

Deux études préparatoires pour l’Averse.
Circa 1805
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Pierre noire, rehauts de craie blanche sur papier chamois.
Signés à la pierre noire en bas à droite L. Boilly
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Provenance
• Vente Paris, Drouot, 4 novembre 1955, lot 9, repr.
• France, collection particulière

Exposition
• 1959, De Watteau à Picasso. Le Charme dans le dessin français, Paris, Galerie Marcel Guiot, cat. 37.

Depuis les critiques de Salon, puis le premier catalogue que Henry Harrisse lui consacra en 1898, jusqu’aux plus récentes publications, les historiens de l’art furent confrontés à la difficulté de caractériser la peinture de Louis- Léopold Boilly. Portraitiste, peintre de genre ou peintre d’histoire, Boilly n’a pas fini de soulever les passions, reflet de la qualité d’une œuvre très tôt appréciée du public, qui se défie de toute catégorisation étriquée.

A l’instar des artistes néo-classiques de sa génération, Boilly se révéla un dessinateur hors pair. L’élaboration de chaque tableau s’accompagnait, chez lui, d’une succession de dessins puis d’esquisses à l’huile, réalisées avec une minutie d’orfèvre. Le peintre étudiait chaque personnage dans une échelle supérieure à celle qu’il allait occuper dans l’œuvre définitive. Malgré la complexité davidienne de ses mises en scène, Boilly dédaigna le grand format, privilégiant des dimensions qui semblaient rechercher à dessein un effet réducteur. Chantre de la vie parisienne, Boilly s’intéressa à toutes les classes sociales, et se posa en fin observateur d’un monde contemporain qu’il traduisit en peinture comme Balzac en littérature. Héritier des maîtres hollandais du siècle d’Or, de Greuze ou encore de Chardin, Boilly hisse l’anecdote quotidienne au rang de sujet, dans une verve qui tient plus du dispositif théâtral que de l’engagement social. Les scènes familiales sont pléthore chez l’artiste, père d’une famille nombreuse qui lui fournit d’inlassables motifs.

Nos deux dessins sont des études préparatoires au tableau L’Averse, exécuté vers 1805 et largement diffusé par la gravure sous le titre Passez. Payez. Scène de mœurs parisiennes. L’averse a rendu impraticable l’une des rues non pavées de la capitale. Profitant de la situation, un homme a jeté sur la boue une planche munie de roulettes pour être plus aisément déplaçable, et monnaye la traversée rendue plus confortable. L’artiste immortalise une famille bourgeoise progressant sur ce pont de fortune, devant un charmant ballet de parapluies.

Boilly affectionnait les compositions en pendant, goût que l’on retrouve jusque dans ses dessins préparatoires. Il a étudié ici en deux paires les protagonistes de son tableau. Conformément à son habitude, chacune des figures mesure près du double de sa taille dans la peinture. Les dessins atteignent par leur qualité le statut d’œuvres autonomes. On connaît d’autres dessins préparatoires pour L’Averse, dont une vue d’ensemble avec quelques variantes, à l’encre et aquarelle (collection particulière, Angleterre), ou encore une étude au crayon du père avec ses deux enfants (Musée Marmottan, Paris).

Notre première feuille représente la mère et sa fille. Toute en élégance, la femme porte un chapeau à plumes et une ample robe à manches ballon. D’une main, elle retient un pan de sa jupe, et soutient de l’autre un chiot à demi enveloppé dans un châle de cachemire. Devant elle, sa fillette aux boucles enserrées par une coiffe lève une main – que tiendra son père dans le tableau. La craie blanche domine, dessinant des visages aux traits caractéristiques, et soulignant le moiré des étoffes satinées. Les ombres sont délicatement hachurées à la pierre noire.

La seconde feuille détaille le père et son fils, tous deux revêtus de costumes. Ils sont modelés à la pierre noire. La craie blanche rehausse l’éclat des foulards ou la souplesse des chairs d’enfant. Le métier est sûr, la ligne décidée, les ombres et les lumières déjà définies préfigurent l’atmosphère irisée qui imprègnera le tableau. Cette vie qui semble croquée sur le vif est en réalité méditée, composée, ne laissant rien au hasard que sa réception par le public, assurément conquis par cette grâce sensible et ce dialogue tout en gestes et regards.

Quelques autres dessins de ce type sont passés à la postérité, parmi lesquels une Étude de jeune femme coiffée d’un chapeau cabriolet réalisée à la même époque que nos feuilles (crayon noir et rehauts de craie blanche sur papier bleu, 42,5 x 22,5 cm, Arras, Musée des Beaux-Arts). L’élégante silhouette, dans le goût de notre jeune mère, est préparatoire à l’une des premières scènes de rue de l’artiste, L’arrivée d’une diligence dans la cour des messageries (1804, huile sur bois, 62 x 85 cm, Paris, Musée du Louvre).

M.B.

Nous remercions MM. Étienne Breton et Pascal Zuber d’avoir confirmé l’authenticité de nos œuvres qui seront incluses dans le catalogue raisonné de l’artiste en préparation.

Bibliographie
• Anne Scottez-De Wambrechies, Florence Raymond (dir.), Boilly (1761- 1845), cat. exp., Lille, Palais des Beaux-arts, 2011.
• Susan L. Siegfried, The art of Louis-Léopold Boilly. Modern life in Napoleo- nic France, New Haven, Londres, Yale university press, 1995.
• Yves Brayer, Louis Boilly, cat. exp., Paris, Musée Marmottan, 1984.

• Henry Harrisse, L.-L. Boilly, peintre, dessinateur et lithographe, sa vie et son œuvre, Paris, Société de propagation des livres d’art, 1898.

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