28 x 48 cm
1873
Aquarelle
Dédicacée, signée et datée et « à l’ami Dubufe HJ Harpignies 1873 » en bas à gauche
Située en bas à droite « La Vallée de l’Aumance »
Provenance :
• Vente Me Bellier, Hôtel Drouot, 28 janvier 1955, n° 24
• France, collection particulière
Bibliographie :
• Jean-Pierre Cappoen, Henri Harpignies, 1819-1916 : peindre la nature : exposition, Cosne-Cours-sur-Loire, Musée de la Loire, 4 juin-26 novembre 2016, Cosne-Cours-sur-Loire : Musée de la Loire, 2016
Henri-Joseph Harpignies débute une carrière de voyageur de commerce avant de se consacrer à sa passion artistique à l’âge de 27 ans, en prenant des leçons auprès du peintre de paysage Jean Achard (1807-1884).
Passionné par l’Italie qu’il visite deux fois, il s’imprègne pleinement de la douceur de la campagne romaine qui occupe la majeure partie des oeuvres issues de ces séjours. En revenant à Paris, son talent est salué lors de sa première exposition au Salon de 1853 grâce à une oeuvre de plein air titrée Vue de Capri. Il remporte par la suite de nombreux prix et médailles qui lui permettent de se tailler une place de choix parmi les peintres de paysages de sa génération. Harpignies voue une réelle admiration aux peintres de l’école de 1830 dont Corot principalement, qu’il considère comme son maître et dont il s’inspire à ses débuts avant de développer progressivement sa propre manière, expression de sa personnalité à travers des oeuvres délicates qui ravissent l’oeil des spectateurs en quête de dépaysement.
Portés par les écrits de philosophes, les questionnements scientifiques et le lyrisme de la nature, les peintres s’aventurent hors de l’atelier depuis le milieu du XVIIIe siècle et la pratique du croquis en plein air connaît ainsi un véritable essor en Europe au siècle suivant.
L’ensemble de notre composition est dédié à la nature. Outre les vues tirées de ses fructueux voyages italiens, Harpignies se rallie à la voie lancée par les peintres de Barbizon et introduit forêts, mers, rivières et fleuves du territoire français à son répertoire pictural. Cette paisible vision de la nature traitée sans artifice restitue avec une spontanéité évidente la grande sensibilité de l’artiste.
C’est dans l’Allier que l’artiste semble avoir posé son chevalet au début des années 1870. Il y multiplie les vues de la vallée de l’Aumance, rivière traversant plus d’une dizaine de communes (ill. 1 & 2). Le format notable de notre feuille annonce une oeuvre peinte d’un format plus ambitieux encore. Cette aquarelle pourrait de ce fait avoir servi de première pensée pour la version peinte représentant le même sujet, aujourd’hui conservée au musée des beaux-arts de Valenciennes (ill. 3).
Peindre en plein air permet à l’artiste de se confronter à l’exercice du réel : des conditions climatiques et une lumière naturelle en perpétuel mouvement exigent une excellente maîtrise du dessin et de la couleur. Ces précieux travaux sont réalisés directement sur le vif, inspirés par la poésie de la nature à l’état pur, louée pour la beauté de sa simplicité. L’exercice nécessite une étude rigoureuse de la lumière que l’artiste semble particulièrement avoir étudié dans cette composition. Les effets fugitifs de la lumière qui traversent les branchages font danser les ombres des arbres, dont le maigre feuillage annonce l’arrivée du printemps.
Notre oeuvre témoigne de ce goût pour la vérité de la nature, restituée ici en transparence grâce à l’utilisation de l’aquarelle, pratique située entre la peinture et le dessin. Elle permet ici de retranscrire aussi bien la caresse du vent sur le feuillage, la texture de l’herbe chauffée par le soleil tout comme le reflet du ciel sur la rivière reposée qui semble s’être figée le temps du dessin.
Excellent dessinateur, Harpignies rencontre un vif succès en tant qu’aquarelliste lorsqu’il expose à Londres à la New Watercolour Society. Surnommé de son vivant le « Michel-Ange des arbres »1, l’artiste fascine son public par la douceur qui émane de son travail et qu’il parvient à insuffler à chacune de ses oeuvres, qu’elle soit esquissée, aquarellée ou peinte.
Probablement conservée dans la collection personnelle de l’artiste, cette étude, comme la plupart, n’était pas destinée à être exposée ni vendue. Ressources essentielles à la création, les esquisses, permettent de retravailler les oeuvres en atelier et de retrouver instantanément la fraîcheur et la spontanéité d’un instant précis.
M.O