Jean-Gabriel DOMERGUE (Bordeaux, 1889 – Paris, 1962)

Carnaval à Venise, la Duchesse de Gramont sur...

55 x 65 cm

Carnaval à Venise, la Duchesse de Gramont sur une gondole
1921.
Huile sur toile.
Signé et daté en rouge en bas à droite Jean Gabriel Domergue 1921

Provenance
· Vente Deauville, Le Hoelleur, 13 novembre 1993, lot 59.
· France, collection particulière

Originaire de Bordeaux, Jean-Gabriel Domergue entre à l’école des Beaux-arts de Paris et expose au Salon des artistes français dès 1906, âgé d’à peine 17 ans. Il est lauréat du prix de Rome en 1911 et en remporte la médaille d’argent en 1913. Il se consacre à la peinture de paysage au début de sa carrière mais se tourne rapidement vers la représentation de la femme, qui deviendra sa grande spécialité. « L’inventeur de la pin-up », comme il se définissait lui-même, met au point durant les années 1920 une représentation archétypale de la Parisienne qui lui vaudra de nombreux succès mondains.

Parmi ses plus belles œuvres des années 1920 se trouvent ses portraits de la princesse Maria Ruspoli (1888-1976), troisième épouse du Duc de Gramont (de cinquante ans son aîné), représentée ici assise dans une gondole, en robe de soirée. Dans une lettre à Reynaldo Hahn du 11 aout 1907, Marcel Proust évoque ce mariage et la parenté de la jeune épouse avec le célèbre Paganini. Il la décrit également dans Hier comme : " une pauvre jeune fille de l’aristocratie italienne mariée à vingt ans au duc de Gramont dont elle fut la troisième épouse." À la mort de son époux, elle retourna s’installer en Italie dans son château de Vigoleno qu’elle transforma en une demeure somptueuse pour recevoir, lors de soirées restées célèbres, toutes les personnalités de l’époque : Gabriel d’Annunzio, Douglas Faribanks, Max Ernst, Alexandre Iacovleff, Jean Cocteau, Arthur Rubinstein, Elsa Maxwell, Mary Pickford… Véritable socialite, elle fut aussi portraiturée par Lazlo et photographiée par Cecil Beaton. En 1935, elle épousa François Victor-Hugo, dont elle divorça en 1947. En 1945, elle fonda la Hugo Gallery à New York, avec Elisabeth Arden et Robert Rothschild. Dirigée par Alexander Iolas la galerie se spécialisa dans les surréalistes, exposa notamment Dali, Robert Cornell et Magritte et, fait notable, organisa la première exposition en solo d’Andy Warhol, en 1952.

A la fin des années 1910 et au début des années 1920, la princesse Ruspoli a inspiré à Domergue une série de portraits d’une qualité exceptionnelle. Le peintre s’y révèle très favorablement influencé par les grands artistes mondains comme Sargent, Boldini, Blanche etc. La rapidité de touche et le sens de la séduction qu’il y déploie sont à leur apogée à cette époque de sa carrière, qui prendra par la suite un tour plus systématique, très influencé par le monde de la mode et de la publicité. Il se met en effet au dessin de mode pour Paul Poiret et Henri Marque, puis réalise l’image de la jeune femme destinée à orner le coffret du parfum Féerie de Rigaud. Sa réalisation de l’affiche du premier Festival de Cannes en 1939 et sa participation au jury de l’élection des miss France en 1936 et 1938, achèvent d’orienter sa carrière vers un autre genre, définitivement mondain et souvent considéré comme superficiel sur le plan artistique. Ceci n’empêcha pas Domergue de devenir conservateur du musée Jaquemart-André et d’être à l’origine d’expositions prestigieuses, notamment celle dédiée à son maître Boldini, pendant l’organisation de laquelle il décéda.

Ce portrait est tout à fait emblématique de cette peinture mondaine et virtuose, dont Domergue s’était fait un spécialiste dans les années 1920. L’atmosphère, tout à fait « cafe society », y est particulièrement séduisante. Maria Ruspoli, dans une robe très probablement Fortuny, porte un chapeau à voilette caractéristique du carnaval vénitien. Elle est assise dans une gondole encore attachée au bord de la lagune et semble sur le point de se rendre à un bal. Les sources de lumière – lampions, éclairages de la ville dans le lointain et reflets sur l’eau – contrastent de façon féérique avec les tâches sombres formées par la végétation qui enveloppe le modèle. La composition et le sens particulier du rapport entre la lumière et la couleur rappellent certaines estampes japonaises, que Domergue devait connaître et apprécier. Ce sens exotique de la composition, cette perception onirique de la nuit et de la fête ainsi que l’élégance maniériste du modèle donnent à l’œuvre une atmosphère excessivement raffinée.

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