Charles-Louis Lucien MÜLLER (Paris, 1815 – 1892)

Odalisque allongée

61 x 69 cm

Pastel ovale sur papier
Signé en bas au centre C.L. MÜLLER.

Provenance :
• France, collection privée

Connu comme peintre d’histoire à travers les nombreux Salons auxquels il participe, Charles-Louis Lucien Müller est aussi un excellent dessinateur. Le jeune artiste fait son entrée aux beaux-arts à l’âge de 16 ans, sous l’enseignement de Antoine-Jean Gros dit le Baron Gros (1771-1835) puis de Léon Cogniet (1794-1880), maîtres de la peinture néoclassique et préromantique, qui ne tardent pas à déceler ses dons remarquables pour le dessin.
Ses succès aux Salons sont salués par diverses récompenses et médailles. L’oeuvre de Müller rafle tous les suffrages : son rang de peintre d’histoire lui permet d’atteindre tous les publics. Dans la sphère privée, l’artiste s’adonne à un genre plus intimiste, dont quelques délicats portraits de femmes, recherchés pour leur exotisme et leur sensualité.
Reconnu par ses pairs et par l’opinion, Müller exercera plusieurs fonctions à hautes responsabilités : entre 1850 et 1853 il accède à la tête de la manufacture de tapisserie des Gobelins, puis succède à Hippolyte Flandrin (1809-1864) à la direction de l’Académie des Beaux-Arts en 1864, et siège au comité d’admission de l’exposition universelle de 1878.
Sensuellement allongée, les bras relevés sur un coussin de soie bleue à rayures jaune, cette jeune femme au collier de perles s’apparente à une odalisque, terme issu de la culture turque désignant les femmes au service du harem du sultan. L’orientalisme de notre oeuvre est traduite par la position lascive de la jeune femme à demi-nue, posture traditionnelle de la représentation des femmes orientales. L’oeuvre de Müller participe en effet au courant artistique et littéraire de l’orientalisme, apprécié et développé en France tout au long du XIXe siècle. L’artiste aime portraiturer les jeunes femmes qu’il côtoie à Paris et les représenter dans un environnement rêvé (il n’existe pas de trace connue d’un passage de l’artiste au Maghreb), dont on connaît plusieurs exemples traduits en peintures (ill. 1 et 2). Les oeuvres de Müller racontent un orient imaginaire, issues de commandes d’une clientèle en quête de dépaysement. Tout comme ses contemporains, Müller est influencé par la Turquie et probablement plus tard par l’Égypte, suite à l’inauguration du canal de Suez en 1869.
Le format ovale de notre oeuvre participe à son côté intimiste : il place instantanément le spectateur en position de voyeur, comme découvrant par une fenêtre cette jeune femme fixant son regard sur le sien.
L’utilisation du pastel permet de traduire une atmosphère vaporeuse, de créer un effet évanescent des drapés et de rendre avec précision les carnations et chairs de la jeune femme. Les traits occidentaux de son visage porcelainé rencontrent un environnement oriental : Müller utilise un répertoire iconographique décoratif et vestimentaire de la représentation des odalisques propice à l’imagination du spectateur. Le travail du pastel accentue la sensualité de l’oeuvre en apportant du volume aux différentes étoffes : la proximité du coussin et de la chemise transparente crée un effet de fondu des couleurs, rehaussé par le velours rouge de ce qui semble être un divan, dont la couleur rappelle les lèvres du modèle et la fleur qui retient ses cheveux.
Charles-Louis Lucien Müller aura eu deux productions distinctes, dont sa seule signature nous a permis d’appréhender sa production dans sa totalité. Il y a d’une part le peintre d’histoire, présent aux évènements officiels et de l’autre l’artiste apprécié du grand public satisfaisant les exigences d’une commande plus intimiste, vraisemblablement issue de sa sphère privée, dont notre pastel est un délicat témoignage.

M.O

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