Attribué à Jules Romain JOYANT (1803-1854) d’après une composition de Richard Parkes BONINGTON

« Le Palais des Doges vu du quai aux esclaves »

Huile sur toile

Jules-Romain Joyant fut l’élève de deux grands maîtres du néo-classicisme à la française : Bidault et Lethière. Pourtant, les paysages de Joyant peuvent se regarder comme des œuvres romantiques qui surprirent beaucoup ses contemporains. Dès le début de sa carrière Joyant comprend l’essence même du romantisme prônée par Baudelaire pour qui « le romantisme n’est précisément ni dans le choix des sujets ni dans la vérité exacte, mais dans la manière de le sentir ». Ainsi il préférera une exécution vive, la vie de personnages et la puissance des coloris. Il sera romantique également dans sa pratique de la technique la plus moderne de l’époque qui est celle de l’aquarelle, à laquelle il est initié par Bonington vers 1828, date de son premier voyage en Italie.

Si Venise tient une place de choix dans les représentations anglaises il ne faut pas oublier que la France l’a longtemps boudé, lui préférant Rome, si bien qu’au Salon de 1848, sur 4 600 œuvres seulement 10 représentent une vue vénitienne. Ainsi Joyant, dans le choix de son sujet, affiche une modernité et grande originalité pour sa génération.
Autrefois l’une des plus influentes cités européennes, Venise passe dès 1814 sous domination autrichien, et perd sa gloire et sa liberté. C’est le poète anglais Lord Byron qui fait de la ville le symbole de la décadence et du caractère mortel d’une civilisation.

En représentant Venise l’artiste se place nécessairement dans la lignée de l’illustre Canaletto et de ses vedute introduites à Londres par le marchand d’art Joseph Smith. Joyant doit autant à l’influence anglaise en général qu’à celle de l’aquarelliste Bonington en particulier. Bonington (1802-1828) appartient à cette catégorie d’artistes à la carrière fulgurante mais d’une importance primordiale pour l’histoire de l’art et celle du paysage notamment.

Notre œuvre appartient à une série de répliques exactes que Joyant fit des œuvres de Bonington. Il s’agit du « Palais des doges vu du quai des Esclavons » dont la version anglaise est conservée au Musée du Louvre. Le choix du même angle de vue et des détails similaires nous laisse penser à une véritable étude de la part de Joyant qui ne peint pas ici d’après nature mais d’après une œuvre.
Néanmoins Joyant illustre ici la complexité des rapports franco-anglais de l’époque. En effet il n’a probablement jamais voyagé outre-manche et son œuvre représente majoritairement l’Italie, pour autant elle est profondément nourrie de l’apport esthétique britannique. Rappelons néanmoins qu’à l’époque la circulation des œuvres était facilitée par le grand nombre de reproductions gravées, et c’est probablement par ce biais que Joyant a eu connaissance des œuvres du maître anglais.

BIBLIOGRAPHIE :
- Exposition Sur la route de Venise, Jules-Romain Joyant, Les voyages en Italie du « Canaletto français », au Musée d’Art et d’Histoire Louis-Senlecq, 2003

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