Franz Bernhard FREY (Guebwiller, 1716 – Paris, 1806)

Portrait d’une jeune femme à la robe de bal tenant un masque

97 x 75,5 cm

Pastel sur papier marouflé sur toile
Cadre en bois sculpté et doré à décor d’entrelacs, coquilles et feuilles d’acanthe d’époque Régence

Provenance :
• France, collection particulière

Bibliographie :
• François-Bernardin Frey, « Guebwillerois et peintre de la Cour » in L’Alsace, 26 avril 1981
• Neil Jeffares, Dictionary of Pastellists before 1800, London, 2006

Né en 1716 au cœur de l’Alsace à Guebwiller, Franz Bernhard Frey y meurt en 1806. Bien que l’on ignore tout de sa formation, il semble qu’il se soit attaché à l’étude du pastel dont il développe sa brillante maîtrise tout au long sa carrière. Les quelques œuvres connues de sa main illustrent notamment une attention toute particulière dédiée au rendu des chairs et des modelés. Emmanuel Bénézit mentionne par ailleurs qu’il aurait été le premier à découvrir une technique permettant de fixer le pastel.

Entre Strasbourg et Mannheim, ses œuvres de jeunesse présentent d’ores et déjà des portraits traités au pastel qui démontrent une certaine fluidité dans le maniement de ce médium. Son père, Philippe-Bernard ou Bernardin est un magistrat et membre du conseil de Guebwiller, ce qui l’amena probablement à côtoyer les membres de ce milieu et lui permit d’obtenir des commandes telle que le portrait de Jean-Baptiste-François Durey de Bourneville-Mesnières (1705-1785), figure de la noblesse de robe parisienne et président de la deuxième chambre des Enquêtes au Parlement de Paris (ill. 1).

Venu à Paris pour trouver une nouvelle clientèle, François-Bernardin Frey s’établit rue de Surenne dans le faubourg Saint-Honoré entre 1754 et 1775. Son succès est manifeste, il rejoint les peintres des Bâtiments du roi : un document daté du 27 juin 1768 atteste de l’activité du « S. Frey, Peintre en pastel » concernant « divers portraits » pour « Madame » qui s’élevait à 4584 livres, transmis aux Bâtiments du roi pour paiement . Proche de la couronne, certains portraits des filles de Louis XV – aujourd’hui perdus – furent attribués à sa main.

Parmi les élégantes figures féminines qu’il place au premier plan de son travail, notre portrait se positionne comme le chef-d’œuvre connu de l’artiste à ce jour. Vraisemblablement issu d’une commande, le pastel représente une jeune femme à mi-corps dans un cadre délimité par un vase sur piédouche à décor de guirlandes et un entablement sur lequel elle est accoudée, tenant dans sa main droite un masque de bal et relevant délicatement sa robe de sa main gauche. Dans les années 1750, la robe volante connue jusqu’à lors laisse place à la robe à la française que porte ici le modèle : par un corsage désormais noué devant ainsi que sur les côtés, un spectaculaire manteau ouvert sur une pièce d’estomac accompagné d’une jupe assortie dont les plis « à la Watteau » sont amplifiés par la présence de paniers placés de part et d’autre de sa taille. La robe faite de soierie est ornée de dentelles, nœuds et fleurs que l’on retrouve dans sa longue chevelure poudrée et tressée, nouée par des fleurettes, élément de signature apparaissant dans quelques autres portraits dont celui conservé au musée Pouchkine de Moscou (ill. 2). Les manches dites « en pagode » sont plates et ouvertes en entonnoirs auxquelles sont fixées des engageantes de mousseline de coton. L’œuvre peut être datée autour de l’année 1750 grâce au ruban fait de mousseline de soie brodée noué autour du cou de la jeune femme, caractéristique de la mode de cette décennie.

Avec ce format spectaculaire, Frey rivalise avec la peinture à l’huile. Cette œuvre majestueuse révèle les dons de l’artiste dans la pratique du pastel permettant de rendre avec précision les effets de matières. Ici, l’estompe apporte du volume aux étoffes de soie et de mousseline. En tant qu’excellent dessinateur, il dévoile son ingéniosité et sa virtuosité dans le traitement de la lumière dans laquelle baignent ses sujets. Ici, elle rend d’une part la grâce et la douceur du modelé du visage et illustre d’autre part la luxueuse qualité de soierie de la robe. Les spécialistes reconnaissent en Frey une qualité particulière dans le rendu réaliste de la psychologie de ses modèles rendue à travers une attention particulière dédiée au regard : les pupilles sont généralement très petites par rapport à l’iris.

Reçu membre associé de l’Académie de Saint-Luc, proche de la couronne tout comme de l’aristocratie, Frey jouit d’une grande réputation de son vivant. L’artiste ne signait pas systématiquement ses œuvres, la paternité de ses pastels a pu parfois être confondue avec celles de ses éminents contemporains tels que François-Hubert Drouais (1727-1775). Par ailleurs, de nombreux pastiches tardifs portant une signature apocryphe furent relevés par le spécialiste Neil Jeffares, révélant ainsi l’aura dont l’artiste jouissait de son vivant.
M.O

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