Henri-François RIESENER (Paris, 1767 – 1828)

Portrait d’une femme à la robe bleue et au châle de cachemire

70 x 57 cm

Vers 1815

Huile sur toile

Provenance :
• France, collection particulière.


Bibliographie :

Une dynastie d’artistes : Les Trois Riesener, catalogue de l’exposition de la Galerie des Beaux-Arts, Paris, 1954.

Pris entre deux siècles, Henri-François Riesener naît en 1767 dans un milieu artistique en recevant une première initiation à l’art de son père Jean-Henri Riesener, le célèbre ébéniste de Louis XV, puis de Louis XVI. Le jeune Henri-François étudie par la suite sous l’égide d’Antoine Vestier (1740-1824), qui redirige sa carrière vers l’art du portrait. Les annales des écoles de l’Académie mentionnent qu’il fut un temps élève de François-André Vincent (1746-1816) puis de Jacques-Louis David (1748-1825) avant que sa carrière ne soit brutalement interrompue par le service aux armées puis par la Révolution. Riesener participe donc une première fois au Salon en 1793 puis une seconde en 1799 avant d’exposer régulièrement jusqu’en 1814 où il reçoit la grande médaille d’or à l’effigie de Napoléon. Les livrets de Salon recensent une large production de portraits féminins et masculins dont la maigre description ne permet cependant pas de retracer l’exacte datation des portraits. Formidable portraitiste, ses œuvres furent louées de son vivant engageant de nombreuses commandes, à tel point qu’il fit parfois de nombreuses répliques.

Le retour des Bourbons au pouvoir freina le nombre de commandes de l’artiste qui choisit de partir pour la Russie de 1816 à 1823. De passage à Varsovie, il fait la connaissance du grand-duc Constantin qui le présenta par la suite à l’impératrice et à l’empereur Alexandre. Pendant ces sept années, Riesener rencontre un franc succès. Il sera chargé entre autres de peindre les célébrités de l’aristocratie et du haut commerce de Russie.

Bien que l’identité de notre modèle demeure incertaine, notre tableau est un bel exemple des commandes françaises reçues peu avant son départ en Russie, vers 1815. Dans sa simple élégance de présentation, l’artiste dépeint le portrait d’une jeune femme en buste assise, légèrement de trois-quarts. Elle porte une robe bleue caractéristique de la mode des années 1815-1820, au décolleté plongeant, ceinturée sous la poitrine par un galon frangé, au-dessus de laquelle un élégant châle de cachemire brodé, élément indispensable de l’accoutrement féminin, repose sur son épaule droite et retombe sur le dossier du fauteuil.

Loin de toute complexité de l’espace environnant, l’artiste concentre l’attention du spectateur sur le visage délicatement éclairé de cette jeune femme dont le doux regard fixe le peintre. Éliminant les détails superflus, Riesener a simplement reproduit les quelques éléments de coquetterie du personnage contenus entre le diadème retenu dans ses cheveux et la longue chaîne d’or habillant son cou, illustrant le rang social du modèle. Sa chevelure est savamment coiffée et organisée en boucles dont quelques-unes échappées retombent sur le front, souvenir de la mode lancée par Hortense de Beauharnais sous l’Empire qui perdure jusque dans les années 1825-1830.

Tel que son éminent contemporain Jacques-Louis David dans son Portrait de la Duchesse de Sorcy-Thélusson, l’artiste présente son modèle sur un fond neutre, d’une couleur cuivrée et brossée. On retrouve ce fond dans d’autres portraits de l’artiste, inspiré par le travail de David. Ce fond permet de faire jouer la lumière du visage aux plis des étoffes et concentre l’attention sur l’expression faciale. La psychologie ainsi capturée du visage laisse percevoir la bienveillance de cette jeune femme aux yeux d’un noir profond, comme dépourvue de toute méfiance. Au-delà d’une certaine retenue dans le visage quelque peu naïve, la virtuosité du pinceau de l’artiste participe à rendre l’œuvre émouvante et le modèle presque religieux. L’aspect direct et presque familier de l’œuvre pourrait par ailleurs laisser penser que le peintre connaissait intimement son modèle.

À son retour de Russie, Henri-François Riesener retrouve sa femme, son fils mais aussi le succès. Cette épopée lui aura permis de s’établir comme peintre indépendant dont les portraits ravissent l’œil de ses plus éminents contemporains. Il est un excellent coloriste, reconnu par ses aînés pour la vérité émanant de ses portraits lui permettant de vivre, « au-dessus du besoin ».

Cette œuvre sera incluse au catalogue raisonné en préparation sur l’artiste par Monsieur Alexis Bordes et Monsieur Philippe Nusbaumer.

M.O.

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