Giovanni Paolo LOMAZZO (Milan, 1538 – 1592/1600)

Étude d’homme drapé de profil gauche marchant

Pierre noire, plume, encre brune, lavis brun et rehauts de blanc sur papier préparé bleu
25,1 x 15,6 cm

Provenance :
• France, collection particulière

Bibliographie :
• Giovanni Paolo Lomazzo, Rime, 1587
• Lucia Tantardini, Rebecca Norris, Lomazzo’s aesthetic principles reflected in the art of his time, Leiden ; Boston : Brill, 2020

En 1538, le 26 avril, jour sacré pour Cytherea, je suis né à Milan, à cinq heures. En grandissant, j’ai toujours eu l’esprit tourné vers le dessin, si bien qu’à l’âge de dix ans, j’ai été envoyé chez un maître qui m’a appris à écrire et à compter, à manier les livres, puis à dessiner. C’est ainsi que j’ai commencé à peindre sous la direction d’un disciple de Gaudenzio Ferrari, un peintre respectable du nom de Giovanni Battista della Cerva. Il m’a encouragé, voyant que j’étais prêt à réussir dans cet art. C’est ainsi qu’à cette époque, j’ai exécuté diverses œuvres : peintures, caprices, histoires, frises, grotesques et diverses décorations avec des cartouches, des trophées, des paysages et des fruits, que j’ai peints dans les trois styles.

À la fois peintre et écrivain, Giovanni Paolo Lomazzo est une figure incontournable de l’art italien du XVIe siècle. Le goût pour la pratique artistique lui a probablement été transmis par son père Giovanni Antonio qui avait vraisemblablement développé un intérêt pour les arts décoratifs et figuratifs. Sur ses quatre fils, trois deviendront artistes et le quatrième brodeur.
Une fois sa formation achevée en 1559, l’artiste a 21 ans. Dès lors, son ascension s’accélère. Sa personnalité indépendante le pousse l’année suivante à s’émanciper de la tutelle parentale. Il choisit de parcourir l’Italie pour comprendre la production de son temps. Un document daté de 1564 mentionne un contrat avec un élève, Vincenzo Figini, âgé de 11 ans, qui place ainsi Lomazzo en qualité de maître.

Devenu aveugle en 1571, l’artiste se tourne vers la rédaction de traités artistiques. Il publie ainsi son Trattato dell Arte della Pittura, Scultura et Architettura en 1584, considéré comme le premier traité méthodique sur la peinture. Trois ans plus tard il publie Rime et enfin, en 1590, Idea del Tempio della Pittura.
Dans ses ouvrages, Lomazzo s’attache d’une part répertorier la peinture en différentes catégories et tente d’autre part de redéfinir l’essence de la peinture et le statut des artistes. L’intellectualisation de son œuvre place son travail comme une source essentielle d’inspiration pour ses contemporains.

Jusqu’en 1570, le dessin tient une place prépondérante dans sa production. Considéré comme la genèse de l’œuvre, il est un moyen certain d’appréhender la technique et la construction de la pensée créative.
Fasciné par Michel-Ange, ses compositions font preuve de mouvements et d’expressions inspirés par les fresques du maître (ill. 1). Par ailleurs, le souvenir de l’œuvre de Léonard de Vinci lui inspire une savante manière de tracer les contours de ses figures. Notre dessin fait preuve de cette observation. Un rapprochement peut être établi avec celui conservé au Metropolitan Museum de New York (ill. 2), tous deux datés vers 1565, permettant de comprendre l’importance de la forme et de l’expression dans l’œuvre de l’artiste. Ces deux œuvres, aux dimensions presque identiques et sur papier bleu, semblent avoir fait partie d’un même ensemble consacré à l’étude du mouvement. Elles rejoignent plus largement le travail mené par Lomazzo sur l’étude anatomique.

Au-delà de ces connaissances théoriques, Lomazzo traite dans ses écrits de l’approche pratique à adopter comprenant des remarques sur les couleurs, la perspective et un intérêt particulier pour l’étude du corps humain tirée d’une méthode stéréométrique, qu’il applique à son propre travail. Les différentes positions des corps tantôt de profil tantôt de trois quarts mettent en exergue des musculatures puissantes. Le muscle du bras gauche en mouvement est souligné par une ingénieuse utilisation de gouache blanche en hachure. On retrouve ce même procédé dans le dessin du Metropolitan.

Le trait, à la fois souple et expressif, délimite les formes de ce jeune homme enveloppé d’un drapé à l’antique. Lors de son voyage à travers le pays, Lomazzo avait observé avec une grande attention la statuaire antique. De cette étude il tire un remarquable enseignement dans la façon de rendre le tombé des drapés.
Notre dessin dévoile également la capacité de l’artiste à rendre la lumière. La tête légèrement relevée, la figure tourne le regard vers le haut, comme fortement attirée par une lumière émanant de la gauche. L’espace est habilement formulé par l’ombre portée des pieds qui s’avancent vers la gauche. Enfin, par une utilisation limitée de médiums, Lomazzo parvient à colorer son œuvre tout en traitant les volumes : la pierre noire délimite la forme tandis que l’encre et le lavis brun accentuent les volumes du drapé retombant dans le dos de la figure.

L’œuvre complète de Giovanni Paolo Lomazzo le place tant comme artiste que comme écrivain. Au-delà de ses traités rationnels sur l’art, l’artiste est fasciné par l’impalpable : l’astrologie. À la fin de son ouvrage Rime, il rappelle avoir décelé que le jour de sa naissance était considéré comme un jour dédié à Vénus.

M.O

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