Joseph CHINARD (Lyon, 1756 – 1813)

« Portrait en buste de Juliette Récamier »

Buste en terre cuite patinée sur piédouche en marbre blanc veiné griotte

La formation de Joseph Chinard se déroula entre Lyon et Rome ; un premier prix à l’Académie de Saint -Luc, en 1786, contribua à établir sa réputation. Actif dans sa ville natale, il fut accueilli avec succès au Salon de Paris à partir de 1798. Professeur à l’Ecole des Beaux-Arts de Lyon, et correspondant de l’Institut, Chinard sut s’accorder avec talent au goût de son époque. Excellant dans la réalisation de bustes, il exécuta de nombreux portraits pour la famille de Napoléon ; il occupa quelques temps un atelier à Carrare, dont les carrières étaient dirigées par Elisa Bonaparte. Chinard acheva sa vie à Lyon, tout en exposant régulièrement à Paris.

Le visage de notre jeune femme intègre des canons chers à l’artiste : le menton ovale, les yeux en amande et les pommettes rehaussées se retrouvent par exemple dans le Portrait de femme conservé au Musée du Louvre (1802). Si le sculpteur tend à idéaliser la physionomie de ses modèles – ce qui ne facilite pas leur identification – il se plait toutefois à soigner l’originalité de leurs parures. Son environnement familial n’y est certainement pas étranger : Chinard est le fils d’un marchand d’étoffes, et a épousé une brodeuse.

Selon la mode raffinée qui avait court au tout début du XIXe siècle, notre jeune femme porte une robe finement plissée, resserrée par un mascaron qui souligne la poitrine. Sa chevelure est retenue par un ruban ; des mèches s’enroulent sur son front. Un peigne orné de perles retient son voile, qui retombe de part et d’autre du piédouche. Toutes les richesses de la passementerie sont au service de son élégance discrète. Un galon ouvragé borde le voile, un autre souligne le décolleté de la robe, et l’extrémité des manches frangées de tassels.

L’identification de notre œuvre est attachée à une autre version du buste, conservé au Musée Cognacq-Jay. Autrefois dans la collection Penha-Longa, il fut exposé au Pavillon de Marsan en 1909 – 1910 sous le titre « Buste de jeune femme coiffée d’un voile étoilé ». Il fut associé à Juliette Récamier en 1911, lors de la vente de la collection à la Galerie Georges Petit. Germain Bapst, qui préfaçait le catalogue, écrivit alors : « En 1805, quand Chinard vint à Paris, il habite chez les Récamier, rue Basse-du-Rempart et se fait adresser son courrier chez eux. Pendant ce séjour, Chinard exécuta un nouveau buste de son modèle préféré dont M. de Penha-Longa possède l’esquisse en terre cuite et le plâtre original ». De multiples détails différencient notre version de celle de Cognacq-Jay : le voile étoilé devient lisse, mais le galon qui le borde s’élargit, et s’enrichit de perles et de palmettes. Celui qui couvre la poitrine s’encadre de deux fines torsades.

Aussi célèbre pour sa beauté que pour son esprit, Juliette Récamier tint sous la fin du Directoire et le Consulat un Salon célèbre, qui la plaça au rang d’icône. Amie intime de Benjamin Constant, de Châteaubriand, ou de Madame de Staël, ce qui lui valut l’exil, Madame Récamier fut à la fois muse et modèle, commanditaire et collectionneuse. Elle s’avéra en outre fort soucieuse de son image, qui fascina les artistes de son temps, et que les plus brillants d’entre eux s’attachèrent à retranscrire, tels David ou Gérard.
Si les sources divergent sur les dates, elles s’accordent toutefois pour affirmer les liens qui unirent la famille Récamier à Chinard. On doit au sculpteur, qui la portraitura à plusieurs reprises, la plus fameuse effigie sculptée de la Récamier (Musée des Beaux-arts de Lyon ; Museum of Art de Rhode Island). Il y aurait travaillé à Paris dans les années qui suivent le mariage de la jeune fille, en 1793 ; elle a alors quinze ans. Chinard la présente les cheveux relevés par un long ruban, la nudité esquissée par une étoffe qu’elle retient, les bras croisés. Elle est encore presque une enfant, quand notre modèle figure une femme dans son épanouissement, comme Madame Récamier pouvait l’être à vint-cinq ans, dans les années 1800.

Provenance :
- France, Collection particulière

Bibliographie
- Juliette Récamier, muse et mécène, catalogue d’exposition, commissaire S.PACCOUD, Musée des Beaux-Arts de Lyon, Paris, 2009
- M. ROCHER-JAUNEAU, « Joseph Chinard et les bustes de Madame Récamier », in Bulletin des Musées et Monuments lyonnais, juillet 1966, pp. 25 – 37
- Catalogue des sculptures par Joseph Chinard de Lyon formant la collection de Penha-Longa, Paris : Galerie Georges Petit, vente du 2 décembre 1911, n° 34 (Cognacq-Jay) et 35 (plâtre)
P. VITRY, Exposition d’œuvres du sculpteur Chinard de Lyon (1756-1813), catalogue d’exposition, Paris, Pavillon de Marsan, novembre 1909 – janvier 1910, Paris : É. Lévy, 1909

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