Henri-Gabriel IBELS (Paris, 1867 – 1936)

L’artiste et son modèle dans l’atelier

63,1 x 48,4 cm

Pierre noire, sanguine et rehauts de craie blanche

Annoté et signé à la plume en bas à gauche :
Les Sculpteurs m’aiment parce que j’ai le ventre plat…
Alors prends garde !, ça ne durera pas !
Ibels

Dessinateur, illustrateur, graveur, Henri-Gabriel Ibels naît à Paris en 1867. Son intérêt et son don précoce pour l’art lui permet de rejoindre la célèbre Académie Julian et de se faire remarquer par les plus grands artistes de son temps tels que Edouard Vuillard, Maurice Denis, ou encore Pierre Bonnard regroupés autour de Paul Sérusier et réunis sous la toute nouvelle appellation nabi. Séduit par les idées de Sérusier concernant l’utilisation pure de la couleur libérée de toute contrainte académique, Ibels rejoint instantanément le mouvement. Bientôt, chaque membre reçoit un surnom d’appartenance au groupe, Ibels est surnommé le « nabi journaliste ».
Après quelques années, le groupe se dissout et vers 1900, chacun poursuit sa propre voie artistique. Ibels développe son don pour les arts graphiques en travaillant en tant qu’affichiste et illustrateur politique. Le penchant social de l’artiste le pousse à puiser l’inspiration dans les rues, commerces, bars et autres scènes artistiques. Apprécié des éditions journalistiques, Ibels collabore avec de nombreux hebdomadaires anarchistes tels que Le Père Peinard ou La Revue anarchiste dirigée par son frère cadet, André Ibels.

L’esprit vif et alerte de l’artiste retranscrit la vie de la fin de siècle parisienne et plus particulièrement montmartroise dont il est un attentif observateur.
Pourfendeur des bourgeois, ses dessins sont souvent satiriques. Notre dessin témoigne de cet aspect de son œuvre. Dans un atelier éclairé par la lumière zénithale, un artiste à son chevalet semble prêt à croquer la silhouette de son modèle académique qui, amusé et flatté rentre le ventre. L’échange entre les deux personnages est relaté par une inscription à la plume en bas à gauche de la feuille. Ibels se moque des contraintes académiques et sociétale, du réalisme et des conventions en répondant « Alors prends garde !, ça ne durera pas  !  ».

D’un trait fin et nerveux, Ibels fait preuve d’une grande habileté dans l’utilisation de la sanguine ainsi que de la craie blanche, permettant de retranscrire les volumes. De cette subtile technique naît une certaine souplesse permettant d’apporter la douceur et l’intimité de cette scène. L’artiste se distingue de ses contemporains par une utilisation franche de la couleur dans ses œuvres peintes, mais également dans ses dessins : l’exploitation maîtrisée de la sanguine comme ligne directrice apporte la vivacité recherchée dans le nu féminin, technique utilisée dans un second dessin détenu en collection privée, présentant un modèle remettant ses vêtements, probablement suite à une séance de pose.

Très apprécié de ses confrères, Ibels fut sélectionné pour dessiner l’affiche du Salon des Cent en 1894.
Fidèle camarade de Henri de Toulouse Lautrec (1864-1901) qui dresse son portrait en 1893, les deux dessinateurs éditent par ailleurs ensemble l’album Le Café-Concert de Georges Montorgueil, publié par André Marty, directeur de L’Estampe originale.
Henri-Gabriel Ibels fut loué pour la sincérité de scènes de la vie populaire qu’il expose à travers sa large contribution dans les périodiques qui lui valent le surnom de « nabi journaliste » que les fervents amateurs de ce mouvement célèbrent encore aujourd’hui.

M.O

Provenance :
• France, collection particulière

Charger plus