Jean-Baptiste DESHAYS (Rouen, 1729 – Paris, 1765)

Étude de triton les bras levés tenant une corde

27,4 x 34,8 cm

Pierre noire, estompe et sanguine sur papier beige

Provenance :
• France, collection particulière

Bibliographie :
• André Bancel, Jean-Baptiste Deshays 1729-1765, Paris, Arthena, 2008
• Marc Sandoz, « Etudes et esquisses peintes ou dessinées de Jean-Baptiste Deshays (1721-1765) », Gazette des Beaux-arts, Paris, 1951

« (…) Ses académies sont savantes & caractérisées avec fermeté. S’il s’y trouve de legeres incorrections, quelque chose d’outré dans la manière de saisir les formes, ces legers défauts, si toutefois on peut leur donner ce nom, sont plus que compensés par le beau feu qui les a produits, & qui brille de toutes parts, & par l’effet, le goût & la pâte moëlleuse du crayon qui désigne clairement le grand peintre. »

Fier représentant de la peinture française du XVIIIe siècle, reconnu comme peintre d’histoire, Jean-Baptiste Deshays fut aussi un excellent dessinateur.
L’artiste effectue le voyage à Rome en 1754 où il reste quatre années afin de s’imprégner du génie des maîtres anciens. Cette formation lui permet de rejoindre l’Académie en 1758 en tant que peintre de scènes religieuses principalement. Il reçoit les leçons des plus grands noms du XVIIIe siècle français dont Carle van Loo (1705 - 1765), François Boucher (1703 - 1770) et Charles-Joseph Natoire (1700 - 1777), une formation classique qui définit sa carrière. En bon académicien, Deshays s’adonne à tous les genres prisés par l’Académie dont la peinture d’histoire et la peinture mythologique qui occupe une large place dans sa production. Son talent est salué par ses contemporains lors des Salons de 1759, 1761 et 1763, lui permettant ainsi de recevoir de prestigieuses commandes. La rigueur avec laquelle il suivit l’enseignement de ses maîtres mena à de nombreuses erreurs d’attribution notamment avec l’œuvre de son maître et beau-père : « Deshays… est un des meilleurs élèves qu’ait faits M. Boucher… »

Considéré comme l’un des plus éminents praticiens de dessin du XVIIIe siècle français, Jean-Baptiste Deshays laisse derrière lui un grand nombre d’académies, réalisées à la suite de son séjour italien durant lequel il admire la statuaire antique. Notre dessin en est un formidable exemple. Ce nu masculin représenté en plein effort pourrait bien être préparatoire à une composition plus ambitieuse. La queue de poisson esquissée, surgissant au second plan, suggère que notre étude représenterait la figure de Neptune, ou d’un dieu fleuve, comme l’artiste en a souvent figuré dans ses compositions.

Une force évidente émane du sujet tenant fermement une corde de ses deux bras, placée au-dessus de sa tête. Ce sujet n’est pas rare chez l’artiste. De nombreuses études sont parvenues jusqu’à nous, pour la plupart conservées en collections privées (ill. 1).

Dans une habile composition esquissée d’un trait aussi savant que précis, Deshays présente une figure à mi-corps. La tête du modèle est cachée dans ses bras relevés, le bas de ses jambes n’apparaît pas : l’intérêt de l’artiste est ici de travailler le rendu de la musculature du torse jusqu’aux cuisses. Deshays formule une étude puissante mais gracieuse rappelant la beauté des canons antiques.
Un jeu de hachures tracées à la pierre noire permet de retranscrire la tension émanant de ce corps en torsion dont la musculature vigoureuse, héritée des maîtres anciens est accentuée grâce à l’utilisation de la sanguine, traitée en hachures maîtrisées, faisant ressortir les chairs.
Cette esquisse témoigne également de la réflexion que l’artiste mène sur la lumière. Grâce à la technique de l’estompe, les ombres projetées de part et d’autre du modèle apportent du volume et de la profondeur à cette figure dynamique, dont la ligne majeure forme une diagonale que l’on retrouve dans son étude d’Homme nu, à demi-allongé, vu de dos, semblant tirer un objet à lui (ill. 2).

D’après les écrits de Mariette, « ses desseins et ses esquisses [furent] vendus fort cher à son inventaire » . Loué pour la rapidité avec laquelle il progressa, Jean-Baptiste Deshays remporta un vif succès auprès de ses contemporains pour le lyrisme et la poésie dont ses œuvres firent preuve. Mort prématurément à l’âge de 35 ans au cours d’une production en plein essor, Deshays reçut cependant de nombreuses commandes qui le placent comme l’un des grands dessinateurs du XVIIIe siècle français.

M.O

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